Ignatus, artisan de la chanson

L’ancien chanteur des Objets, Ignatus, s’accommode avec plaisir de sa situation d’artisan de la chanson et invente sereinement un "business model" à taille humaine. Rencontre avec un chanteur heureux à l’occasion de la sortie de l’album Je remercie le hasard qui.

Alors que tous les stratèges de la culture et tous les états-majors des majors travaillent d’arrache-pied à définir le nouveau modèle économique de la filière du disque, des artistes inventent chaque jour des voies singulières pour faire entendre leur voix. Ainsi, Ignatus avec son album Je remercie le hasard qui, quatrième album en solo depuis la séparation des Objets, qu’il vient de sortir au téléchargement et en CD. Il a mis quatre ans à écrire et enregistrer ce disque. Il n’était pas pressé, tout simplement parce que, comme il le dit, "je ne compte pas sur mes ventes de disques pour gagner ma vie. Je réalise des albums et j’écris pour les autres, je fais des conférences, j’anime des ateliers d’écriture, je touche des droits Sacem… Après le dernier, je ne voulais pas faire de disque, a priori."

Après trois albums publiés chez Atmosphériques entre 1996 et 2004, il a pris comme une opportunité stimulante de se trouver désormais comme un artisan de la chanson : "J’aime cultiver une certaine forme de singularité", note-t-il avec un rien de gourmandise. "Je ne me suis jamais posé la question de savoir comment j’allais plaire avec cet album. Je me suis seulement demandé ce que j’avais envie d’exprimer et de partager. Dans ma situation, il est inutile d’essayer d’avoir un tube."

Dès lors, sa démarche d’artiste autoproduit utilise d’un bout à l’autre les souplesses et les rapidités d’internet : la pochette du CD est conçue pour pouvoir se réduire à une imagette sur une page d’ordinateur et, quand le clip de Dans l’herbe devient un succès immédiat (on approche ces jours-ci des 200.000 vues sur Youtube), Ignatus décide d’avancer d’un mois la sortie numérique de son disque. "Le fait de n’avoir pas de maison de disques m’a permis de choisir de faire le clip sur une chanson que l’on n’aurait jamais choisie pour des raisons commerciales." En effet, d’ailleurs, une des chaînes de télévision françaises qui passe le plus de clips dans ses programmes a refusé le clip de Dans l’herbe au motif que c’est une ballade – "les ballades, c’est seulement possible quand on est très célèbre", remarque Ignatus.

 

Avec son nouvel album, il ne fait pas les yeux doux aux radios, n’attend pas que les programmateurs se précipitent vers lui ni que la presse généraliste se passionne pour son disque "au moment où sortent l’Alexis HK et le Dominique A". Alors il se concentre sur les blogs influents et les webzines, sans attachée de presse et sans promotion traditionnelle, ce qui maintient le budget au plancher. "Je suis très serein : je ne m’attends à rien, alors toute nouvelle est bonne."

Bientôt la scène : il promet encore de nouvelles innovations technologiques (son dada) en même temps que la fidélité à son minimalisme badin (sa marque de fabrique). C’est là que, à quarante-neuf ans, il place ses ambitions de chanteur.

Ignatus Je remercie le hasard qui (téléchargement sur www.microsillon.com et CD disponible sur http://www.ignatub.com/) 2009