Christophe, chanteur au long cours

Le château de Versailles offrait hier mercredi 15 juillet, son bassin de Neptune à Christophe, le temps d'un spectacle exceptionnel. Servi par un son d'une rare intensité, le chanteur a délivré une version magnifiée de son dernier concert à l'Olympia. Frissons garantis.

La rencontre de l'histoire et de la musique actuelle. Une longue plage ambiante combinée de samples de flutes médiévales ouvre la soirée. Le trompettiste Erik Truffaz et Murcof, producteur mexicain d'electronica, jouent les entremetteurs. Après vingt minutes d'une lente montée, le duo laisse sa place à Helena Noguerra et Phoebe Killdeer (ex-Nouvelle Vague). Les deux chanteuses discutent nonchalamment, lovées dans un grand fauteuil posé au milieu des instruments. Une clameur se fait entendre. Une silhouette blanche longe le bassin, elle salue la foule. Christophe entre en scène.

L'artiste a longtemps hésité avant d'investir le bassin de Neptune. A ses yeux, un tel site ne pouvait se contenter d'accueillir un simple concert. Ce soir chaque chanson sera donc interprétée comme un film. Dans le rôle de la femme inaccessible, Helena Noguerra vocalise sur Wo Wo Wo. Elle quitte la scène sans un regard pour la star. Une danseuse ondule entre les musiciens sur Odore di femina. Christophe la contemple obstinément à travers l'écran géant. Comme si sa présence était irréelle. Une nouvelle fois "la" femme échappe à ce romantique.

Versailles, lieu de toutes les audaces

 

Le chanteur laisse une large place à son dernier album : Aimer ce que nous sommes. Malcom est rehaussé d'un ensemble de corde, avec juste ce qu'il faut d'emphase pour habiller le lieu. Le titre suivant, Tandis que, reflète à merveille l'éternelle recherche sonore du "Dernier des Belavicqua" : la rythmique électronique, tout en nuance, est jouée en directe, une guitare rêche lui répond. Émerge de cet échange la voix blanche de Christophe, toujours limpide après les années. Architecte sonore autant que musicien, l'artiste est servi ce soir par un son aussi puissant que fin. Un écrin pour sa voix. Chaque titre gagne en intensité, comme si la scène s'étendait imperceptiblement sur le bassin, comme si le chanteur se rapprochait à chaque fois du public.

Dans ce cadre royal, Christophe ne se refuse aucune audace musicale. Sur Parle lui de moi, il s'offre  le démarrage de batterie le plus long de l'histoire. Comme lors de ces trois derniers concerts à l'Olympia, Carmine Appice, son batteur vedette, conclue les Marionnettes d'un solo long de trois bonnes minutes. Et puisque la nuit tout est permis, le maître de la soirée laisse les clés au duo rock Housse de Racket, le temps d'un Synthétiseur décoiffant.

Parler devient ridicule

On craint tout de même le ratage lorsque Christophe invite Helena Noguerra à le rejoindre pour une reprise de Michel Berger, Chanter pour ceux. Si la belle évolue dans un registre plus grave qu'à l'habitude, le duo s'en sort remarquablement bien, évitant le pathos. Le bassin s'empourpre de plaisir. Phoebe Killdeer lui succède pour un Perfect Day tout aussi réussi.

 

" On continue, on n'a qu'a dire qu'on fait le rappel" le chanteur s'amuse de son retard. L'amateur de belles cylindrées s'excuse auprès des adeptes des transports en commun qui devront courir vers le dernier train. Au même moment, dans l'assistance un débat oppose "midinettes" et "orthodoxes" : Christophe doit-il chanter Aline ?

L'artiste tranche à sa façon. La ligne de basse, reconnaissable entre toute, débute. Un monument musical envahit un monument historique. Les mots bleus, mélodie qui caresse l'oreille pour vous touchez directement le cœur. Dans ce lieu devenu magique, parler devient alors ridicule. L'instant se savoure... Aline attendra quelques minutes.