Charnelle Catherine Major

Elle a du piano et des mélodies une maîtrise incroyable, et un rapport à la scène, quasi animal. A vingt-neuf ans, Catherine Major bluffe le monde de la chanson par son insolent talent. Rencontre avec cette Montréalaise pur jus, qui sort ces jours-ci Rose Sang, son premier album publié en France.

Catherine Major est la preuve vivante que la Belle province n’a pas encore livré toutes ses pépites. Des accents de Maurane dans la voix, des textes tendrement cruels sur le bout de la langue et des mélodies métissées de tango, de jazz, de valse et de Gershwin au bout des doigts, celle-ci nous arrive tout droit de Montréal. Ultra-douée, la demoiselle a déjà sorti deux albums au Québec et écumé toutes les salles du pays, mais elle ne débarque qu’aujourd’hui dans l’Hexagone et dans ses bacs avec Rose Sang, un disque comme elle, tout en contrastes, timide et franc, sombre et lumineux, consciencieux et éclaté. "Je ne réalise pas, ça fait tellement d’années que j’attends ça ! C’est chouette de s’exporter, de voyager, de présenter la chanson française et québécoise l’une à l’autre. J’ai enfin trouvé une équipe formidable avec qui le faire, des gens de cœur qui ont comme moi la passion de leur métier."

Son métier, Catherine en parle comme elle le pratique : avec ses mains. Longues et fines, celles-ci sautillent dans l’air comme sur les touches noires et blanches de son piano. "Je suis musicienne avant d’être chanteuse. J’ai commencé à jouer du piano à l’âge de quatre ans. J’ai appris à lire des partitions et à en écrire avant même de savoir lire et écrire la langue comme il faut." La musique est chez elle comme un premier langageEt ça crève les yeux quand on la voit sur scène, tour à tour tendue comme un arc derrière son piano ou souple comme une liane. Animale. L’impression qu’à chaque note, elle joue sa vie, elle donne la vie. "Quand j’ai une émotion à exprimer, je ne suis pas tentée d’aller l’écrire mais d’aller la jouer, dit-elle. Les mots me font plus peur que les notes."

En dehors de Bach

Ce n’est qu’à dix-huit ans, une solide formation de piano classique en poche, que la jeune fille se risque à poser des textes - écrits par sa mère - sur ses compositions. "Je chantais déjà derrière mon piano mais sans vraies paroles. C’est ma voisine de l’époque, Monique Giroux (chroniqueuse musique très connue de Radio Canada, ndlr), qui m’a poussée à interpréter de vraies chansons et à participer à un concours célèbre chez nous qui s’appelle Ma première place des arts." Contre toute attente, elle s’y retrouve en demi-finale. Transformée par cette nouvelle expérience : "C’était la première fois que je me retrouvais sur scène à faire autre chose que du Bach ou du Rachmaninov et j’ai adoré !"

 

La carrière de Catherine a beau démarrer sous une bonne étoile, elle ne lâche pas les études pour autant. Elle décroche en 2003 un diplôme de piano jazz et blinde ainsi son savoir-faire pianistique. "Toute cette technique fait que je parle aujourd’hui la même langue que mes musiciens et que je peux aller avec eux plus loin dans la composition de mes chansons." La chanteuse en écrit parfois les paroles, mais pas à tous les coups. "Je me cherche encore sur l’écriture, elle ne vient que d’une émotion extrême alors je demande la plupart du temps à d’autres d’écrire pour moi." Sur quatorze titres, trois sont d’elle sur Rose Sang, album où il est question d’amours déchirantes, de migrations vers le Sahara, de mort et de ce maudit temps qui nous file trop vite entre les doigts.

Eprise de francophonie

 

Bien que née à Montréal et indéfectiblement attachée à cette ville bilingue, Catherine Major n’a jamais eu la tentation de l’anglais : "J’en ai presque une aversion. C’est une belle langue mais elle est bien trop présente à Montréal et le français est tellement riche en rimes, en rythmes, en couleurs". Eprise de francophonie (elle a d’ailleurs reçu en 2004 le prix Coup de cœur de l’Académie Charles-Cros pour son premier album Par-dessus bord), Catherine l’est aussi de ses chantres. Elle cite parmi ses mentors musicaux Jacques Brel, Alain Bashung, Gilles Vigneault, Richard Desjardins ou encore Mano Solo. "La chanson québécoise et française se complètent. Sans compter l’accent, l’une et l’autre ne mordent pas pareil dans la langue et dans l’interprétation. En France, on dirait que ça se passe moins avec le corps, mais plus avec la tête. Au Québec et en Amérique en général, nous sommes très physiques avec nos instruments, très 'sex' comme on dit chez nous."

Une affirmation à vérifier de toute urgence lors de ses concerts à Paris, en Belgique ou chez elle, au Québec. Le printemps venu, la belle se fera plus discrète. Si elle a donné naissance il y a peu à une petite fille, elle a encore bien des projets à enfanter : la bande-son d’une émission de télé imaginée avec une amie réalisatrice, celle de nombreux documentaires et surtout, la réalisation d’un troisième album. Elle nous l’a promis, celui-ci devrait traverser l’Atlantique plus vite que le précédent.

Catherine Major Rose Sang (Abacaba) 2009
En concert les 26 et 27 janvier 2010 aux Trois Baudets, à Paris et le 22 mars 2010 à l’Européen, à Paris.