La voix fascinante d’Igit
Le chanteur Igit a rôdé sa voix rocailleuse, et sa poésie des rues d’Ottawa et de Montmartre, jusqu’aux plateaux de The Voice où il se fit remarquer par ses reprises de standards (Fever, I put a spell on you, Les Bonbons…). Il sort son premier disque, Jouons, un opus plein de charmes, de précision et de musicalité.
Dans The Voice, l’émission qui l’a fait découvrir, il imposait déjà ses signatures : son faux-air de Guillaume Canet, son éternel couvre-chef, et sa voix rauque, pleine de cailloux, patinée par des "millions de cigarettes" (Millions Cigarettes).
Car Igit, dans le civil Antoine Barrau, frappe d’abord par sa voix. Lui-même la découvre, sur les marches de Montmartre, lorsqu’il se produit dans la rue, à ses débuts. "J’étais trop flemmard pour monter un pied de micro ou un ampli, alors je gueulais. J’ai commencé à chanter en imitant le grain plein de sable des chanteurs de reggae", raconte-t-il.
Sur les pavés, il gratouille. Lorsqu’un chaland s’approche, il se met à chanter. Mouvement de recul… "Ils étaient hyper surpris de voir 'un babtou' (nom désignant une personne à la peau blanche ; NDLR), fluet, chanter avec cette grosse voix", rigole encore Igit, qui avoue aujourd’hui nuancer son côté Tom Waits.
L’expérience de la rue
La rue en musique, Antoine l’apprivoise d’abord à Ottawa. Panne sèche au mois d’août, lorsque le restaurant dans lequel il travaille ferme ses portes pour congés estivaux.
Sur les traces de John Carroll, un bluesman de sa connaissance, le jeune homme décide de se lancer, avec sa guitare, à l’assaut des trottoirs, des places, pour gagner quelques pièces. "J’ai erré un bon moment, avant de me décider… Un pote m’a forcé à me poser, à ouvrir mon étui, il a jeté la première pièce. C’était parti", se souvient-il. Et d’ajouter : "Dans la rue, tu jouis d’une liberté totale, sans barrière. Tu fais durer tes chansons le temps nécessaire, tu happes le passant au gré des hasards, des regards, tu n’imposes rien, tu surfes sur le temps qui passe."
Antoine décrit ainsi les bienfaits de ces expériences, des rues d’Ottawa aux escaliers de la Butte : "La rue m’a appris des trucs précieux. La perception du public sur ta musique, ne dépend pas tant de sa qualité, que de ton énergie intérieure. J’en ai tiré des enseignements, qui m’ont aidé à travailler sur moi-même, sur mes interprétations."
L’amour des chansons
Créer des émotions… Avant de les fabriquer, Antoine les reçoit plein pot, à coup de chansons, fort de cette évidence : il sera musicien. À quatre ans, il donne son premier concert, devant ses parents, chante "Ouh ouh baby I love you", avec un micro fabriqué en Lego.
Grandissant, il compose des chansons. Dans ses oreilles, tournent en boucle du blues, Bob Marley, la scène reggae française puis Ben Harper, Tété, et, plus tard encore, les chanteurs à texte : Brel et Brassens.
À douze ans survient cette révélation. En vacances, sur les planches de Deauville, face à la mer, casque vissé aux oreilles, il écoute ce disque emprunté à ses parents – Chambre avec Vue, d’Henri Salvador. "À ce moment, c’était comme si tout l’univers allait devenir cohérent. Tout était à sa place. Un choc."
Dès lors, Antoine s’acharne à travailler ses chansons, des petites cosmogonies. Le travail ne paye pas toujours. À la vingtaine il galère ; il alterne son art, peu lucratif, avec des boulots alimentaires.
Un beau jour, The Voice, qui l’avait repéré sur le blog Pousse le son, l’appelle. "Il était temps de passer la vitesse supérieure, se souvient-il. The Voice a été une bonne expérience. Je chantais avec des vrais musiciens. Je réarrangeais les chansons selon mes goûts : un travail de création."
Un premier disque et un duo avec Catherine Deneuve
Le voici aujourd’hui, avec son premier disque, Jouons. Ainsi en explique-t-il le titre : "Sans nostalgie de l’enfance, j’avais envie de défendre la liberté, d’assumer une certaine légèreté, de ne pas prendre l’existence trop au sérieux. Malgré le bad trip généralisé, la sinistrose actuelle, la vie reste belle : il suffit de l’observer… et de s’amuser !"
Sur ses pistes, Antoine se marre, use de sons incongrus, enfantins : du radiateur, du gravier qu’il fait craquer sous ses pieds, du piano-jouet. En résulte un beau bouquet de chansons, précises, incarnées : des tableaux de vie, sentimentaux, rêveurs, amoureux, chargés de ciel bleu.
Enfin, il y’a ce duo lumineux, Noir et Blanc, ce dialogue entre générations, avec cette grande dame, Catherine Deneuve. "J’ai proposé son nom à mon label. Coïncidence, elle regardait The Voice, m’y appréciait et elle aimait la chanson, elle a accepté !", explique Antoine. Sur son bonheur, le sourire d’Igit en dit plus long que tous ses mots. Mais au fait : que signifie son nom ? "Ça, c’est mon secret", conclut-il.
Igit, Jouons (Parlophone) 2016.
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