Sous le ciel de Paris Combo

Paris Combo. © DR

Aux États-Unis comme aux quatre coins du globe, Paris Combo incarne une certaine idée de la France. Le swing manouche, un pays éternel, la légèreté d’une capitale un rien surannée. Revenu voici trois ans, le groupe qui a débuté dans le sillage de la scène alternative publie un 6ème album, Tako Tsubo. Les années passant, il cultive toujours l’héritage de Django, loin des appels du pied de l’électro-swing. Rencontre avec sa chanteuse, Belle du Berry, et le trompettiste australien David Lewis. 

RFI Musique : Où sont précisément les racines de Paris Combo ? Plutôt dans le jazz ou dans la scène rock en français, la scène alternative ?
Belle du Berry :
Moi, j’étais très punk dans les années 80 et par hasard, je suis tombée sur Potzi, le guitariste du groupe. Il y avait une scène underground à l’époque, avec des soirées "Zazou" à La guinguette de l’Ile du Martin-pêcheur (à Champigny-sur-Marne) et dans plein de lieux. Tous les gens étaient fringués années 30, il n’y avait pas un anachronisme. Des DJs passaient de vieux disques, des gens jouaient en live et le swing m’a passionné. Petit à petit, je me suis intéressée à ce son, aux chanteuses de cette époque. J’ai commencé à avoir d’autres formations avec Potzi. Du coup, c’est vrai que je suis venue tardivement au jazz. Je ne connaissais pas du tout, ce n’était pas ma culture.
David Lewis : Le jazz est venu assez tôt pour moi, mais j’ai plutôt une formation classique. J’ai commencé à en écouter adolescent et puis j’ai été inévitablement attiré par ce style. En tant que trompettiste, le jazz est important. À Paris, j’ai joué avec Arthur H et Manu Dibango. C’est par Arthur H que j’ai rencontré Belle : elle m’a présenté Potzi et François (Jeannin, batteur de Paris Combo). Ils m’ont invité à faire partie du groupe. Je ne connaissais pas Django Reinhardt ni le swing, j’ai donc découvert un monde. Pour moi, le swing, c’est un peu comme le be-bop aux États-Unis. Ça part des années 30-40 et il y a une figure, Django. De plus, le style a traversé les époques, il y a plein de ramifications. Avec Paris Combo, on est peut-être l’une de ces ramifications.

Le son de Paris Combo n’a pas changé, vous n’êtes pas allé dans la direction de l’électro-swing par exemple. Pourquoi ?
B. du Be : D’autres le font déjà très bien ! Je me souviens que dans le mouvement punk, c’était à l’opposé de ce qui se fait maintenant, il fallait absolument être original. Même si on était en admiration totale devant un groupe, on ne pouvait pas refaire la même chose. Ce qui est marrant, c’est que maintenant, cela fonctionne plus par similitudes. Il y a un truc qui marche, il y en a soixante-quinze qui vont sortir dans la foulée avec à peu près le même nom et le même concept musical.
D. L. : Il y a une signature sonore avec le groupe. Mais sur cet album, la méthode de travail a été très différente. On a beaucoup travaillé sur les arrangements, mais on voulait jouer en live avec ces ambiances. Parce que le cœur du groupe, ce sont les quatre membres fondateurs et ce son.
B. du Be : Ça rappelle des réalisateurs de films qui travaillent sur les mêmes thématiques. On propose un nouvel album avec de nouvelles chansons, de nouveaux mélanges, mais la démarche artistique ne change pas. C’est vrai qu’on a une "œuvre" maintenant, on va le dire comme ça.   

Ce 6ème disque s’intitule Tako Tsubo, un mot japonais qui définit le "syndrome du cœur brisé". Pour quelles raisons avoir glissé des chansons de ruptures dans ce disque, alors que tout semble plutôt bien aller pour vous ?
B. du Be : Ce n’est pas tant parler de la rupture, c’est parler de la force des émotions sur un corps. C’est parler de l’homme et de la femme en tant que machines exceptionnelles. Je me suis inspirée de Fiona Apple, avec son Extraordinary machine. On n’y pense jamais mais c’est tellement merveilleux ! On est des usines à émotions et ces émotions agissent sur cette machine incroyable.
D. L. : Le Tako Tsubo, c’est plus la manière dont les émotions peuvent changer physiquement la forme du cœur. C’est le cœur qui devient comme un sablier, un Tako Tsubo, c’est une amphore. Il y a pas mal de chansons qui parlent de ce thème. Anémiques maracas, Mon anatomie cherche un ami
B. du Be : C’est différencier les besoins, les émotions, les envies, l’idée qu’on s’en fait. Ça parle aussi de la vie, de ce qu’elle peut parfois infliger comme chocs.

Vous avez un lien très particulier avec les États-Unis qui vous ont adoptés depuis votre premier album. Qu’est-ce qui touche les Américains dans votre musique ? Est-ce cette image d’un Paris éternel que vous amenez dans vos bagages ?
B. du Be : Je pense que cela correspond effectivement à une image assez idyllique de Paris. En jouant à l’étranger, on se rend compte de ce que représente la langue française, l’esprit français. Sur scène, on surprend énormément les gens, parce qu’il y a un petit côté gentil, mais ça bouge beaucoup. J’attends un peu de voir comment se passe l’accueil du public, la salle, et je discute pas mal avec les gens. Il naît de cela un échange assez fort, un côté cabaret…
D. L. : Il y a évidemment cet exotisme qui est attirant. Et puis, on a continué à chanter en français. Au départ, notre agent nous demandait de chanter une ou deux chansons en anglais, mais au bout d’un moment, il a renoncé, il a compris. Au début, on a été accueilli comme un groupe de world, on est vu maintenant comme un groupe indé, et il y a des chaînes Internet de jazz qui passent certains de nos morceaux. L’apport du jazz fait que c’est suffisamment familier pour qu’on puisse avoir une prise. Mais dans le fond, on ne peut pas complètement expliquer cela.     

Paris Combo Tako Tsubo (Ta-Dah Music) 2017

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En concert le 1er juin au New Morning à Paris