La vie de Soan
Un an à peine depuis son dernier disque, Soan publie Celui qui aboie, une collection hétéroclite de chansons rock. Dans une ambiance bastringue, l’ancien vainqueur du télé-crochet, la Nouvelle Star, y raconte l’amour, la mort, et sa vie entre les mousses. Un matin pas bien réveillé, Julien Decroix s’est raconté. Sa gouaille a fait le reste...
RFI Musique : Durant la dernière campagne présidentielle, vous vous êtes affiché au côté de Jean-Luc Mélenchon, le candidat du mouvement d’extrême-gauche, La France Insoumise. Pour quelles raisons ?
Soan : L’écologie, par exemple. Je n’ai pas envie que mes enfants aillent dans la cours de récré avec un masque à gaz. On est quand même bien parti pour. On fait n’importe quoi avec un peu tout. Maintenant, on vit dans une époque pas très glamour. Tout le monde se tient bien, c’est policé à mort, mais bizarrement on ne parle pas des vraies choses. Son programme reprend les bases de ce qu’on devrait faire du monde.
Pour autant, vous avez toujours refusé l’étiquette de chanteur engagé. Pourquoi ?
Je n’ai pas le nombril assez creux pour porter les drapeaux, si tu vois ce que je veux dire. C’est tellement vague, la notion d’engagement que ce serait pompeux de dire que je suis un artiste engagé. Je n’ai pas tellement de message à l’humanité à part : "Aimez-vous les uns, les autres, bordel de merde !" Des gens comme Mélenchon sont engagés dans le sens où ils connaissent les dossiers dont ils parlent. Moi, je suis plus dilettante. C’est quand même un sacré truc de faire de la politique !
Mano Solo, Têtes Raides, Noir Désir. Ce sont des ombres qui planent sur votre musique…
Noir Des’, un peu moins. J’ai l’air con, mais quand j’ai rencontré les Têtes Raides, je n’écoutais pas du tout. J’ai rencontré Christian1 au coin du bar, je lui ai demandé : "Qu’est-ce que tu fais dans la vie ?" Il m’a dit : "Je suis Têtes Raides !" C’est par le biais du personnage que j’y suis venu. Parce que c’est quand même un mec haut en couleurs et en humilité. On retrouve tout ça dans sa musique.
En comparaison à vos précédents albums, celui-ci me semble inégal…
Pour moi, ce n’est pas vraiment un album, c’est une parenthèse. Cela veut dire que je n’y ai pas mis le même sérieux. C’est plutôt enregistrer un moment, alors que d’habitude, c’est plus un travail d’orfèvre. J’en avais marre de me prendre autant le chou. On l’a enregistré dans une pièce de 20 m². En plus, je tombé malade la veille du premier jour d’enregistrement. Tous les éléments se sont mis contre moi. On n’avait plus le temps, alors ça s’est fait comme ça : 3… 4… et on joue.
Comment voyez-vous ce titre, Celui qui aboie ? Est-ce une mise en abîme ?
En fait, j’aime bien les trucs à tiroirs. Celui qui aboie, c’est celui qui ne mort pas, qui n’est pas méchant. Même le petit marchand de journaux à la sauvette dans les années 30, il exprimait une douleur à crier aussi fort. Parce que s’il ne vend pas ses canards, il ne va pas manger. Ce n’est donc pas bien méchant, c’est juste dire : "J’ai mal !"
Arrêtons-nous sur quelques chansons. Agata est une reprise de Nino Ferrer, mais dans votre version, on a l’impression que Nino Ferrer se prend pour Jacques Brel...
En même temps, c’est une analyse ! J’ai rencontré le fils de Nino, j’ai enregistré avec lui dans la maison de Nino2. Il y a une âme dans toutes les pierres de ce bâtiment, c’est hallucinant ! Et puis le bonhomme, son fils, Arthur. C’est un mec qui a beaucoup de talent, il a joué des parties de piano sur l’album d’avant. Et donc, il m’a demandé de venir sur un concert en hommage à son père. Je connaissais assez mal, il m’a envoyé un disque. J’ai choisi les deux chansons les plus coups de poing. J’ai kiffé les reprendre, c’est pour cela qu’Agata est sur ce disque.
Sur Vingt-cinq printemps, vous dîtes : "La liberté, c’est bon comme un verre dans le gosier." Est-ce vraiment votre conception de la liberté ?
Cette chanson, c’est un pied-de-nez, il s’agit de voir le grotesque qui sommeille en moi. Et quelque part, ça a sa vérité. C’est vrai que la liberté, c’est bon comme un verre dans le gosier. Quand t’es avec des potes, que t’as bu un coup et que tu te tiens chaud, tu passes quand même une meilleure soirée que si t’es au Perrier.
Pour ma part, je passe de très bonnes soirées à l’eau gazeuse !
Eh bien, tu as de la chance ! Moi, j’ai besoin d’autres artifices pour que ce soit plus simple. Je fais partie des gens qui n’arrêtent jamais de cogiter, ça me crée des insomnies. Donc l’alcool et ce genre de truc, ce n’est pas une fin en soi. Cela devient un plaisir parce que tu le partages. Dans La liberté, je parle d’un bar situé rue du Faubourg Saint-Antoine, à Paris. C’est vraiment un bar typique. Tout le monde a un peu sa part d’ombre, mais on se fout du passé de chacun. On s’y retrouve autour du fait qu’on se sent seul sur terre, qu’on sait qu’on va mourir comme des cons.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le métier de chanteur et sur votre parcours jusqu’ici ?
Sur le métier en général, je suis déçu, parce que je pensais qu’on serait plus fraternels entre nous. Tout le monde essaie de tirer un bout de couverture à soi. Au niveau humain, il n’y a vraiment rien, c’est le vide intersidéral. Mais tout ça m’aide justement à le prendre plus sereinement… Et puis de moi à moi-même, je m’en veux de ne pas faire plus. Eu égard au fait d’avoir connu un gars comme Mano (Solo), qui n’arrêtait jamais, moi, je suis branleur. Cela dit, avec la formation que j’ai, un bac L, je n’avais pas beaucoup de perspectives à part empiler les cartons. J’ai du bol que mon caprice soit devenu ma manière de bouffer.
Soan Celui qui aboie (One Hot Minute) 2017
Page Facebook de Soan
1Christian Olivier, chanteur, auteur, compositeur et âme du groupe Têtes Raides.
2Le studio Barberine, situé au cœur de La Taillade, la propriété que Nino Ferrer possédait dans le sud de la France.