Monsieur Lune satellise Renaud
Voilà un disque qui devrait réconcilier ceux qui avaient goûté que très modérément aux disques hommage consacrés à Renaud. Les onze reprises réussies de Nicolas Pantalacci, alias Monsieur Lune, s'inscrivent dans une veine uniquement sociétale et permettent de redécouvrir des titres plus confidentiels de cette figure majeure de la chanson française.
Encore un disque de reprises ? Et Renaud à l'honneur, à nouveau. On se souvient de La bande à... , en 2014, qui ne réussit pas à convaincre tout le monde. Appétit donc modéré à l'idée de se plonger dans un nouvel exercice de genre. Cette fois-ci, une seule voix. Celle de Monsieur Lune, artiste (trop) discret qui aurait mérité un coup de projecteur davantage éclairant avec son précédent album Il pleut des luges.
La revue de presse de ce jeune quadra mentionne régulièrement Renaud comme filiation. Il le reprend, d'ailleurs, parfois sur scène. Cela a provoqué le désir d'un programmateur d'une salle de Clermont-Ferrand de produire une date dans laquelle le chanteur aurait carte blanche pour se cantonner à ce terrain de jeu. "Cela a déclenché une envie réciproque. Et puis on était en 2015 et c'était l'année du quarantième anniversaire du premier album de Renaud".
Pour transformer cet essai en projet discographique, d'autres facteurs de légitimité se bousculent. Sa mère d'abord, attachée de presse du "chanteur énervant" entre 1978 et 1983 chez Polydor. Son père ensuite, programmateur à FIP, un des premiers à prendre les devants pour passer le brûlant et contesté Hexagone sur les ondes. Et le beau-père enfin, Patrick Ullman, photographe-référence à l'époque de la chanson française et à qui on doit notamment la pochette du live de Renaud Un Olympia pour moi tout seul en 1982.
"C'est lui qui a pris cette photo de moi, gamin. Pour boucler la boucle, je l'ai choisi comme couverture de ce disque en y ajoutant le fameux bandana rouge autour du cou". Au cours de son enfance, Renaud glisse souvent une tête au domicile familial. Rien de vraiment marquant ou d'indélébile quand on a l'âge de dévorer du dessin animé. "Le souvenir principal, c'est à huit ans. Ma mère m'avait emmené au Zénith. Pendant qu'ils parlaient boulot, il me dédicaçait plein de photos que je voulais donner à mes potes. Ce n'est que vers 13 ans que j'ai commencé à écouter ses vinyles. Je venais de déménager à Saint-Ouen et j'étais confronté à la violence dont il parlait dans ses chansons. Cela me touchait par rapport à ce que je vivais. Il y avait des petits Slimane, comme dans Deuxième génération, qui voulaient toujours me piquer mon survêtement".
Une sélection personnelle
Hormis Gueule d'aminche et La Médaille, sortis respectivement en 1975 et 1993, la sélection du disque se concentre essentiellement sur la période où sa mère défendait Renaud. Il n'y a pas ici d'inclination à enquiller du tube à la pelle. Seulement y trouve-t-on un Laisse Béton qui change de braquet à mi-chemin et bascule dans une esthétique rock-alternatif. "Il y avait des chansons que j'adorais, mais que je trouvais trop personnelles. Je ne me sentais pas de chanter celles où il parle de lui ou de sa famille. Dans tous les morceaux du disque, il utilise toujours le "je" ou le "tu", mais en réalité, il s'agit tout le temps d'un personnage que je me sentais capable d'interpréter".
C'est exécuté avec goût, audace et sans ronronnement. Monsieur Lune évite surtout le piège de l'imitation tant au niveau vocal que musical. Il habille La teigne d'une pop synthétique, conduit C'est mon dernier bal dans les contrées de Richard Gotainer, muscle le méconnu Buffalo débile et lâche les freins sur Les aventures de Gérard Lambert.
Il y a toujours cette trace d'urgence ainsi qu'une forme d'actualité vive au moment de s'engouffrer dans ces chansons suintant la "loose", la perdition et la violence. "Ce sont celles qui sont proches de ma sensibilité. Les différences d'inégalités, ça me terrifie. Mais c'est vraiment en mettant les chansons bout à bout que je me suis aperçu de ce lien sociétal. En ouvrant par Deuxième génération et en terminant par Les charognards, on pourrait pratiquement imaginer, à l'exception de La Médaille, que c'est le même personnage qui traverse les titres".
Monsieur Lune dit rester en retrait du présent artistique de Renaud. Il dit aussi ne pas forcément s'attendre à un retour de sa part. Il dit encore son aspiration à vouloir jouer ce spectacle deux fois par mois pendant une décennie. De l'audace, toujours de l'audace.
Monsieur Lune Un Renaud pour moi tout seul (Papa Luna Productions) 2017
Site officiel de Monsieur Lune
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