Raphael, élégance aérienne
Chanteur en évasion, Raphael, lauréat cette année du Goncourt de la nouvelle, poursuit sa jolie quête exploratrice. Anticyclone, son huitième album réalisé par Gaëtan Roussel, frappe par son apaisement, sa richesse sonore et sa fluidité textuelle. Rencontre.
RFI Musique : Dans quel contexte Anticyclone est-il né ?
Raphael : Le voyage et la spontanéité. Il y a eu l'Inde. Puis j'ai fait aussi des concerts dans cinq ou six pays d'Asie pour la fin de tournée de Somnambules. Au retour, je ne savais pas trop quoi faire. Je suis parti en Italie du côté de Naples et il y avait un piano dans la maison où je me trouvais. J'ai écrit ce disque en dix jours. Les choses sont venues assez naturellement, je venais de terminer la correction des épreuves de mon bouquin (Retourner à la mer, ndlr). J'étais un peu dans cette inspiration-là et j'ai l'impression que le disque est un peu lié au livre.
D'où cette impression d'une écriture plus lisible ?
Je trouve qu'elle est plus directe, plus narrative. John Lennon disait que, pour une chanson, il suffit d'avoir quelque chose à dire et le dire simplement. Après, les chansons ont des mélodies plus compliquées qu'elles n'y paraissent. Ce ne sont pas les quatre accords de la radio.
Pourquoi cette fois-ci le piano pour impulser la composition ?
J'avais envie de sortir un peu du côté éternel troubadour avec sa douze cordes. Et, de temps en temps, changer d'instrument aide à faire évoluer sa manière de composer. D'autres accords me sont tombés sous les doigts, j'avais d'autres harmonies, c'était intéressant. On peut penser que je joue bien du piano, mais je fais un peu d'esbroufe (rires).
Le fait d'avoir 41 ans détermine-t-il ce disque ?
Je suis un père de famille. Il y a dix ans, je n'aurais certainement pas écrit cet album ou une chanson comme Je ne pense plus voyager qui est une sorte de métaphore amoureuse. C'est vrai que c'est un disque, apaisé, anticyclonique et de haute-pression. La musique a toujours été pour moi l'endroit de la joie. Et puis il y a une espèce de vortex qui est que le fait de faire de la musique vous rend heureux.
Vous sortez un album presque tous les deux ans. C'est une question de métabolisme ?
Je pourrais même faire un disque tous les six mois s'il y avait un marché pour ça. Après évidemment, il y aurait moins d'attente aussi. Mais ça m'excite d'écrire des disques, à chaque fois c'est une aventure assez folle.
Travailler avec Gaëtan Roussel, vous l'aviez en tête depuis longtemps ?
Il m'avait écrit une chanson en dernière minute sur le précédent disque (Eyes on the Island, ndlr) et aidé aussi sur ma création consacrée à Manset aux Francofolies de la Rochelle. Il m'avait emmené là où j'avais envie d'aller. C'est quelqu'un d'assez princier. Donc, on a eu le désir ici de faire un disque élégant. La seule chose qu'il m'ait dite au préalable, c'est qu'il acceptait à condition qu'on fasse un album avec un beau son. C'est Gaëtan qui avait le "final cut". Tout ce qu'il m'a proposé, je l'aimais. Donc, ça ne pouvait pas se passer plus facilement.
Il y a de nombreuses références aux éléments naturels dans vos chansons. Ceux-ci vous aident-ils à vivre ?
J'ai eu une enfance en ville. Je suis hydroponique, un peu comme si j'étais né hors sol. Je vais souvent en Bretagne parce que j'ai trouvé une maison sur une île. Je bricole, je regarde les étoiles. Quand je n'y suis pas, ça me manque. Je suis fasciné par l'air, le vol. Décoller en avion, ça me procure une sensation incroyable. Je ne suis pas un chieur au fond, j'adore la montagne et la mer. Il n'y a que la campagne qui me déprime (rires).
Le titré Paris est une fête renvoie-t-il aux attentats ?
Je n'y ai pas songé en l'écrivant. Cela raconte comment retrouver l'ivresse quand le temps a passé, que c'est plus difficile et qu'il fait aller la chercher plus loin. Quand je l'ai fait écouter à ma femme, elle a pensé aussi à ça, notamment à cause du son de caisse claire qui ressemble à des coups de feu. Après, les attentats ont été tellement violents et bouleversants pour nous tous qu'il est probable que ça t'imprègne inconsciemment.
Vous chantez La question est why en duo avec une votre femme Mélanie Thierry. A-t-elle été facile à convaincre ?
J'avais écrit cette chanson d'intimité et je ne me voyais pas la faire avec une chanteuse. Au début, Mélanie n'était pas vraiment partante. Comme elle ne voulait pas aller en studio à cause du trac, je l'ai enregistré un matin à la maison. Finalement, elle a trouvé le résultat "mignon". Ce sont comme des voyages, les disques, une fabrique de souvenirs. Sur celui-ci d'avant, il y avait la voix de mon petit garçon de sept ans qui avait un petit texte Par ici les ailes d'oiseau. Si je la réécoute, je vais me mettre à pleurer.
Vous donnez le sentiment de constamment relancer les dés...
À la suite de Caravane, j'étais un peu l'idole des adolescentes. Et puis quand on est très exposé, on ne se ressemble plus vraiment. Je me rappelle de Super-Welter (2012, ndlr), disque que j'aime infiniment. Quand je voyais les commentaires des gens sur internet, ça disait en résumé qu'il fallait pendre l'ingénieur du son, le chanteur et le graphiste. J'ai toujours fait les disques en toute liberté, je ne me suis jamais dit que j'allais préparer un mauvais coup et désarçonner les gens.
Un besoin de vous surprendre ?
Surtout de prendre du plaisir. Je ne pourrais pas faire quatre disques comme Caravane et essayer de n'enquiller que des tubes radio. Cela m'aurait déprimé au possible. J'aime aller dans des endroits que je ne connais pas, me confronter à d'autres musiciens, parfois faire des erreurs. Je trouve ça bien d'alterner entre des choses populaires et d'autres, plus singulières. Ce qui n'empêche que l'idée d'être chanteur populaire me plaît, m'a plu et... me plaira toujours (rires).
Raphael Anticyclone (Columbia / Sony Music) 2017
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