Nosfell, le retour à la simplicité

Nosfell. © Franck Loriou

Avec Echo Zulu, son cinquième album, le fantasque Nosfell délaisse un peu les méandres imaginaires de ses premiers disques pour une musique plus pop et frontale, chantée en anglais ou en français. Entretien avec un artiste à part, marqué par la paternité et l’envie de faire de la musique "pour se faire du bien".

Dans le paysage musical, il est ce que l’on appelle un ovni. Nosfell, l’artiste et performeur au corps serpentin et bardé de tatouage, sa langue inventée, le klokobetz, et son pays imaginaire, Klokochazia, a marqué un public en mal de figures hors-sol, à l’univers absolument original. Mais alors que l’inaugural Pomaïe Klokochazia Balek est sorti il y a déjà plus d’une décennie (en 2004), les temps ont changé et Labyala Nosfell, à 40 ans, a décidé de rompre en partie avec la complexité et la marginalité de son personnage lunaire.

Echo Zulu, le nouvel album, ne contient plus (ou presque plus) de chansons en Klokobetz, et révèle une efficacité pop bien loin des expérimentations excentriques d’hier. "J’avais envie de revenir à une forme de simplicité pour cet album, explique-t-il. Avant, je cherchais les méandres, les virages harmoniques. Je poussais l’imaginaire jusqu’aux extrêmes. Là, j’ai décidé de raconter des histoires simples, vécues, avec des formes plus courtes et immédiates."

Virage pop

Les raisons de ce "retour aux sources" ? Après le travail récent sur des bandes originales de spectacles pour la danse contemporaine (Octopus et Contact de Philippe Decouflé), et un album très onirique (Amour massif), Nosfell a éprouvé le besoin d’un virage pop. "Je suis retourné écouter des choses de mon adolescence, comme Morphine, Michael Jackson, Bob Marley. Du calypso aussi !" La naissance de sa fille, âgée aujourd’hui de 2 ans, n’y est pas non plus étrangère. "J’ai eu envie de lui faire écouter des choses plus guillerettes."

Mais chez Labyala Nosfell, les apparences peuvent s’avérer trompeuses.

Sous le vernis électro rock de Hunter’s Bed (le titre d’ouverture), ou celui très discoïde de The Party se cachent des histoires sombres ou des souvenirs douloureux. "J’aime bien créer un contrepoint entre une musique positive et des couplets plus tristes. Hunter’s Bed parle de la dépression que j’ai traversée il y a quelques années, et du souvenir de mon père, dont je n’ai jamais su les occupations."

Sur The Party, la façade hédoniste ("Your Lips kiss everyone’s lips") est en réalité un leurre. "Je parle d’une rencontre étrange, il y a quelques années, avec une fan à Los Angeles qui est devenue une sœur d’âme. Je me suis retrouvé avec elle dans des soirées sexuellement très libres où je me sentais assez troublé, gêné, étant quelqu’un de très sage dans la vie. Il y a peu de temps, j’ai appris son décès par sa mère et cela a ravivé son souvenir."

Dans Echo Zulu, l’auditeur voyage aussi parfois, mais les pays imaginaires sont remplacés par des lieux réels, même si fantasmés. Les Gorges évoquent le désert du Nouveau-Mexique et l’histoire des Wet Backs, ces migrants mexicains qui traversent le Rio Grande dans des circonstances rocambolesques ou tragiques pour rejoindre les États-Unis. "Je trouvais dingues ces histoires de traversée, les embûches pour y arriver. Mais je voulais traiter ça de manière bucolique avec un côté western à la Tarantino."

"Être intelligible"

Il faut attendre le 7e titre pour que les masques tombent. Ricochet, morceau-confession sur la folie et la violence, donne quelques clés dans la compréhension du "nouveau" Nosfell. Guéri de la dépression, le chanteur s’y confronte sans fard à ses difficultés mentales : "Je peux être dans des humeurs différentes, changeantes dans la même journée, explique-t-il. J’ai été diagnostiqué schizophrène. Avec la dépression, j’ai parfois été violent contre moi-même et mes proches. Ricochet est une forme de catharsis pour moi."

De fait, Echo Zulu est un disque moins extrême et versatile que ses premiers efforts. La voix ne part plus dans des voltiges extrêmes, la colère s’est estompée. "J’ai réussi à dompter cela, explique-t-il. Après autant d’années et de disques, j’avais envie de sortir de ma zone de confort, de ne pas être une caricature. Je veux que la musique me permette d’aller vers les autres."

Cette volonté d’aller vers une musique plus brute et directe se révèle également dans la nouvelle formule live du chanteur, accompagné d’un groupe de rock classique. "C’est la première fois que je peux jouer un de mes disques intégralement en live, se réjouit-il. J’ai un  besoin d’être plus intelligible, d’être compris."

Nosfell Echo Zulu (Likadé) 2017

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