Orelsan, la triple fête aux Victoires de la musique
Carton plein pour Orelsan lors de la 33e édition des Victoires de la musique qui s'est déroulée vendredi 9 février. Le rappeur a effectué un véritable sans faute dans les trois catégories où il était nommé : Artiste masculin, Album de musiques urbaines et Clip de l'année. Charlotte Gainsbourg a été sacrée dans la catégorie féminine.
Nouveau lieu (La Seine Musicale, belle acoustique). Nouvelle présentatrice (Daphné Burki, plutôt à l'aise et percutante dans son rôle). Fidèle rythme en dents de scie (moments forts alternant avec de sérieuses baisses de régime). Fidèle retard sur l'horaire de fin annoncé (trente minutes).
Comme chaque année, les Victoires de la musique tentent de dessiner un portrait œcuménique d'un paysage musical hexagonal apte à joindre ses extrêmes, des succès populaires aux artistes plus singuliers. Souvent, elles finissent par contenter à peu près toutes les chapelles et imprimer un palmarès entre conformations en règle et consécrations inattendues. Cette édition ne déroge pas à la règle.
Elle s'est ouverte avec un hommage logiquement appuyé à Johnny Hallyday. D'abord avec ses musiciens (sans Maxim Nucci, distrait et parti en direction...du Zénith de Paris), qui comme lors des funérailles du chanteur, ont joué Toute la musique que j'aime. Puis avec Florent Pagny et Slimane, vocalement impeccables sur Requiem pour un fou. Enfin, à travers un court film axé principalement sur ses différentes prestations habitées aux Victoires. Son dernier manager Sébastien Farran a d’ailleurs versé quelques larmes. La salle était émue. Aura immortelle de l'idole.
Simple. Basique. Orelsan a tué la dernière demi-heure du match en marquant deux buts majeurs : Album de musiques urbaines et surtout Artiste masculin. La fête est finie (dixit le titre de son formidable dernier album). Certainement pas pour lui. Cette razzia, on la pressentait. Comme celle de Stromae en 2014. Elle est, sans conteste, amplement méritée.
Qui aurait parié cela il y a neuf ans ? Le garçon, empêtré dans la polémique de son titre Sale pute, était alors à l'époque considéré comme infréquentable. Désormais, il fait l'unanimité. Éclatante revanche. Plus prolixe dans ses chansons que dans ses discours de remerciements, Orelsan est arrivé tard dans la soirée en jet privé. Non pas par caprice de star mais parce qu'il était en concert à Genève.
Charlotte Gainsbourg, reine de la soirée, a reçu son trophée avec un mélange savoureux d'aplomb et de fragilité assumée. « Cet album, j'ai eu ma sœur Kate en tête. Je pense à elle évidemment ce soir. J'ai mon père en tête, bien sûr. Aujourd'hui, je réalise que c'est un album qui porte la vie aussi. Moi je suis vivante et je veux célébrer les gens autour de moi et ma mère qui compte énormément. Ma sœur Lou, mon frère Lulu et puis après plus personnellement ceux qui m'ont subie durant ces quatre années de gestation d'album, Yvan et mes enfants ».
Quelques minutes plus tôt, elle avait remis une Victoire d'honneur à un Étienne Daho qui n'aurait pas fait tâche dans les nominations. Le dilemme cornélien entre Camille et Gérard Depardieu dans la catégorie concerts a tourné à l'avantage de la première, magnifique dans sa robe rouge Jean-Paul Gaultier. Le duo Bigflo & Oli, décidément sacrément attachant, a été plébiscité par le public pour la chanson Dommage, jouée ici en compagnie d'une chorale d’amateurs que les Toulousains avaient repérée sur le net.
Quoi d'autre ? M- s'est octroyé une dixième statuette, Gaël Faye a damné le pion à Fishbach et Eddy de Pretto, Louane - repartie bredouille - a célébré la mémoire de France Gall en interprétant Évidemment, Juliette Armanet a mis un temps fou à se remettre de ses émotions.
En dépit d'une carrière commerciale très modeste, l'album électronique Tempérance de Dominique Dalcan décroche la timbale. Parmi les chagrins, le choix de MC Solaar (était-il à sa place dans la catégorie album de chansons ? Vaste débat en coulisses) au détriment d'Albin de la Simone. La prestation de ce dernier en live, d'une classe folle avec Le grand amour, devrait néanmoins lui permettre d'agrandir la taille de son fan-club. Dix des douze récompenses décernées sont revenues à des productions indépendantes. Du jamais vu dans l'histoire de la cérémonie. Presque un coup d'état.
Le palmarès
Artiste masculin : Orelsan
Artiste féminine : Charlotte Gainsbourg
Révélation scène : Gaël Faye
Album révélation : Juliette Armanet « Petite amie »
Album de chansons : Mc Solaar «Géopoétique »
Album rock : Shaka Ponk « The Evol' »
Album de musiques urbaines : Orelsan « La fête est finie »
Album de musiques du monde : M-Toumani & Sidiki Diabate- Fatoumata Diawara « Lamomali »
Album de musiques électroniques : Dominique Dalcan «Tempérance »
Concert : Camille
Création audiovisuelle : Orelsan « Basique »
Chanson originale : Bigflo & Oli « Dommage »