Gael Faure, vertueuse harmonie
Le chanteur français Gael Faure s'échappe d'un académisme acoustique pour faire entrer dans sa bulle la voie des airs. Des chansons pleines d'hélices, injectant des synthés et au verbe écolo-humaniste. Regain, son troisième album, est une éclatante surprise.
Trajectoire ascendante que celle de Gael Faure. Trajectoire qui n'a aucune emprise sur le garçon que l'on rencontre. Le jeune trentenaire, affable, bienveillant et vif, insuffle de l'amicalité à sa conversation. Sur lui, on aura entendu souvent ceci : belle gueule (nettement "trop" pour être crédible), dilettante (raccourci encore lié au physique avantageux), énième transfuge de Nouvelle Star, chanteur agréable, mais en quête d'une réelle identité artistique.
Le premier album - qu'il préfère lui-même oublier – n'a pas mis le feu au lac. Le second, sous le sceau d'une certaine efficacité (les entêtants Comme si et Tu me suivras), laissait entrevoir de possibles promesses. Celui-ci l'installe, sans conteste, dans la division supérieure. Entre ces trois disques, une décennie dont quatre ans passés à Bruxelles et une découverte dévorante de forces vives electro-rock belges.
Gael Faure cite Oscar and the Wolf, Balthazar, dEUS. "Ce qui m'a impressionné, c'est l'incroyable renouvellement de cette scène. On a beaucoup à apprendre car elle est moins enfermée dans des cases. J'avais besoin de partir là-bas pour faire table rase de cette mauvaise première expérience. Je suis beaucoup sorti la nuit, j'ai fait aussi pas mal de concerts. Ensuite, quand ma maison de disques m'a appelé pour me signer, on m'a demandé de revenir à Paris. Au départ, j'ai refusé avant de céder pour des raisons pratiques".
L'Ardéchois vit désormais dans le XIe arrondissement parisien dans lequel il a donné rendez-vous et où il retrouve régulièrement ses ami(e)s-collègues Barbara Carlotti, Bertrand Belin ou Chet. Ce dernier lui a filé un coup de main pour l'éclosion du texte de la chanson Siffler. Une dynamique de co-écriture répétée ici avec Bastien Lallemant, Benoit Doremus, Charles et Pierre Souchon. "J'ai toutes les idées, les images en tête. Mais j'ai encore du mal à structurer comme je le voudrais. Je fais donc appel à des gens que j'adore".
Anagramme de graine
L'album s'intitule Regain. Il ne faut pas se référer à sa définition courante, mais à son sens botanique, en l'occurrence la seconde coupe de l'herbe, ainsi qu'à l'anagramme de graine. Des graines, Gael Faure veut en semer dans les esprits. Elles impulsent son propos soucieux du monde de demain et axé sur le rapport entre l'humain et la nature.
Ni opportunisme ni conduite imposée. C'est dans ses gênes. Des preuves ? Sa famille habite le même hameau depuis une éternité, son père a été agriculteur vingt-cinq ans jusqu'à la crise du lait, il a fait lui-même des études d'architecte paysagiste. Gael Faure a rejoint aussi le mouvement Colibris, monté parallèlement la tournée Le chant des Colibris sur laquelle l'ont rejoint -M-, Alain Souchon, Izia, Arthur H, Albin de la Simone, Dominique A...
Il y a eu aussi la lecture frénétique des livres de Pierre Rhabi, la claque du documentaire Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent. "À un moment donné, je me suis posé la question de savoir ce que je voulais donner de moi aux gens. Je me suis rendu compte que j'étais assez énervé qu'on délaisse de plus en plus l'humain. J'ai voulu faire un pont entre le message du mouvement et mes chansons".
Désormais libérée de compromis, la sensibilité du garçon montre sa belle singularité. Elle flotte sur un courant d'air chaud et accorde une importance prégnante aux éléments naturels et à l'environnement. "Les paysages me transcendent et me font aller vers un sentiment. Je me sens emporté par eux et c'est viscéralement en moi depuis toujours". La musique qu'on y entend se révèle en harmonie avec un horizon en courbes amples. Le disque est long (plus de 55 minutes), mais il est vaporeux, aérien, sulfureux, rempli de lignes de fuite, de vents contraires et de synthés aux humeurs variées. De la folk-pop progressive, ardente et lumineuse, bénéficiant de la production imparable de Renaud Letang.
Piers Faccini
Éreinté, agile chanson sur le mal de dos, enfile des chaussons dansants. Colibri tend vers un blues hypnotique tandis que Le goût des choses (paroles de Raphaële Lannadère, alias L) et Traverser l'hiver exposent respectivement élégante volupté et épure acoustique. Le chant est fringant et moins démonstratif qu'auparavant, les thématiques plus précises.
Gael Faure personnifie l'immatériel (Caractère) et joue de la nuance entre posture et imposture (Les visages officiels). Duo en majesté avec Piers Faccini sur Lonely Hour. Le souverain songwriter anglais s'empare également des mots de Only Wolves, ode caressante à l'agriculture africaine. "En 2008, je lui ai envoyé un message sur Myspace lui disant que j'aimais la manière dont il soignait et pensait la musique. Il ne m'a pas répondu, c'est logique. Puisqu'on a désormais le même tourneur, Zamora Productions, j'ai demandé à mon manager de le rencontrer absolument. Cela a pris un an et on a fini par se voir. Il est venu chez moi, je lui ai joué Colibri. Je me suis liquéfié en attendant sa réaction. Il a beaucoup aimé et je lui ai parlé de ces deux chansons que je n'imaginais qu'en anglais". Premiers pas d'adulte pour Gael Faure. Sa marche en avant a une fière allure de conquête.
Gael Faure Regain (Epic/Sony Music) 2018
En concert le 21 mars 2018 au Café de la Danse
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