Les grands esprits du Printemps de Bourges

Dani au festival Le Printemps de Bourges 2018. © RFI/Edmond Sadaka

Alors que le festival du Printemps de Bourges a débuté mercredi dernier et se poursuit jusqu’au 29 avril dans la ville berrichonne, comme de coutume, la diversité des artistes embarque le public dans un voyage riche en rencontres et émotions. Mais grâce à Dani, Arthur H ou la jeune Calypso Valois, ce voyage permit aussi des rendez-vous, voire des retrouvailles avec quelques figures disparues.

Trois femmes, trois générations sur une même scène. Dani, Emmanuelle Seigner et Emilie Marsh, une chanteuse, une comédienne, et une musicienne-arrangeuse se retrouvent au Palais Jacques-Cœur dans le centre historique de la ville de Bourges pour un concert-lecture autour du répertoire et des souvenirs de la première.

Auteure en 2016 d’une autobiographie intitulée La nuit ne dure pas, l’ancien mannequin, reine de la nuit parisienne dans les années 70, devenue au fil du temps, une icône rock à l’instar de la Britannique Marianne Faithfull, Dani chante quelques-unes des chansons qui ont marqué sa carrière quand Emmanuelle Seigner lit les textes de cette autobiographie.

Ce double en profite aussi pour interpréter deux de ses propres titres, les deux femmes paraissant par ailleurs très complices dans la vie. Elles le disent, et se retrouvent sans doute dans une forme de « rock attitude » servie admirablement par les arrangements de la guitariste Emilie Marsh, troisième équipière de cette aventure. Elle insuffle en effet, une touche de modernité à coup de riffs, à des morceaux qui pour certains ont plusieurs décennies telle la reprise de France Gall, Laisse tomber les filles.

France Gall, Serge Gainsbourg, auteur du fameux Comme un boomerang ou encore Daniel Darc, sont les compagnons regrettés de Dani. Mais à travers leur chanson, leurs mots et leurs musiques trouvent un nouvel écho et ces artistes se rappellent ainsi à notre bon souvenir.

A faire des retours dans le passé, on pourrait vouloir s’y perdre (« ah c’était tellement mieux avant ») et pourtant à voir certains « héritiers », on peut se dire que l’avenir nous réservera toujours de beaux moments. C’est ainsi qu’à regarder Calypso Valois, on cherche sur son visage les traits de ses illustres parents, auteurs d’une pop à la française qui a marqué largement les esprits, j’ai nommé Elli (Medeiros) et Jacno. En 1986, la naissance de la petite fille était célébrée avec la chanson interprétée par sa mère A bailar Calypso.

Peu encline à suivre le chemin qui semblait tout tracer, celui de la musique, la jeune Calypso se serait bien vue comédienne. Finalement, après la disparition de son père et dans un disque hommage qui lui était consacré, elle est apparue pour la première fois en compagnie d’Etienne Daho, son parrain, dans un duo, Amoureux solitaires. Devenue compositrice, auteure et interprète selon l’ordre qu’elle-même veut bien donner, elle se produit en concert depuis la parution de son premier EP et surtout depuis la parution de son premier album Cannibales en 2017.

Accompagné de 3 musiciens, Calypso Valois sur la scène du Théâtre Jacques-Cœur, balance une pop technoïde dans laquelle elle a l’air de se sentir comme un poisson dans l’eau. Sa voix aérienne, parfois légère, est au service de textes bien plus sombres qu’ils n’y paraissent. A plus de trente ans, la jeune femme ne semble pas pour le moment vouloir se débarrasser tout à fait de son héritage pop.

Un peu plus tard dans la soirée, c’est au tour d’Arthur H de se produire sur la même scène du Théâtre Jacques-Cœur. A quelques semaines seulement de la disparition de Jacques Higelin son père, le fils semble attendu par le public comme un ami. Chacun a envie de montrer son attachement à cette famille d’artistes qui vient de voir disparaitre le patriarche et de rendre un hommage à celui qui incarna aussi une certaine idée du festival.

Alors qu’Arthur H est en tournée et qu’il présente son nouvel album Amour chien fou (2018) dans un spectacle de trois heures, accompagnés de deux musiciens dont l’inséparable et talentueux Nicolas Repac, l’artiste doit aujourd’hui réduire la voilure et passer à 1heure de spectacle. Et là l’exercice est difficile tant il aime converser avec le public, le faire participer, prendre des chemins de traverse pour exprimer avec drôlerie et poésie ses sentiments.

« Il a choisi de partir au printemps. Le pollen de cet homme (Jacques Higelin, ndlr) s’éparpille partout ». Hormis son propre répertoire dont le dansant Tokyo Kiss, le dramatico-comique Nosferatu, ou encore le très beau La boxeuse amoureuse, Arthur H reprend (par deux fois) de sa voix rocailleuse, grave, mais envoutante le titre de son père Mona Lisa Klaxon, et redonne aussi à écouter le magnifique Destin du voyageur. Et comme si personne ne voulait casser ces instants de magie, le public comme les artistes peinent à se laisser partir, d’où des rappels non prévus. Arthur H comme son père, aura fait sienne la famille du festival du Printemps de Bourges.

Site officiel du festival Le Printemps de Bourges