Yvan Marc, balades de saisons
Le chanteur, qui exerce toujours en parallèle le métier d'enseignant dans un lycée agricole, revient avec Nos dimanches. Un septième album qui laisse poindre son lien aussi bien profond qu'indéfectible avec la nature et qui colle à ses envies d'artisanat. Encore un sans-faute pour Yvan Marc.
RFI Musique : Peut-on dire qu'il s'agit de votre disque le plus apaisé ?
Yvan Marc : Totalement. C'est mon disque le plus apaisé avec une volonté de mettre un peu de côté le monde moderne, la technologie, la violence de la société urbaine. J'avais envie d'aller vers quelque chose de plus lent, doux, tendre. Après, il reste de la mélancolie et des inquiétudes citoyennes, notamment au sujet de l'écologie.
On sent une sorte d'une force tranquille dans vos chansons…
J'aime me poser en observateur. C'est un peu comme une balade en forêt où l'on regarde ce qui se passe et découvre les éléments naturels. Si tout cela s'en va un jour, on risque de se retrouver désœuvrés. Il faut rester près des belles choses qui nous entourent. Je vis en Haute-Loire, à la campagne, et la nature est mon quotidien. Quand j'ai composé cet album, j'étais dans la forêt de Meygal. Cette ambiance-là m'a bercé. C'était essentiel pour moi d'exprimer mes ressentis au sein de ce lieu et aussi d'alerter en douceur.
Quelles sont ces alertes ?
Le réchauffement climatique, par exemple. J'ouvre l'album avec Sous les gants, chanson dans laquelle il est question de ça, et je le termine avec On oubliera qui est une petite mise en garde. C'est un moment d'écriture, une homogénéité, une volonté de garder les chansons liées à cette thématique. J'avais d'autres morceaux que je n'ai pas mis dans l'album parce qu'il sortait de ce cadre-là. Ma vision de la campagne n'est pas idéalisée. Je parle de tempête, de brouillard, du vent, de la neige, donc d'une certaine dureté aussi.
Votre environnement ordonne-t-il la couleur des chansons ?
Pour ce disque-là, complètement. Cela pourrait presque faire une seule chanson. Je parle également d'amour, bien sûr, mais la nature est toujours là en toile de fond. Sous les gants, chanson à plusieurs lectures, évoque l'enfance au même titre que Le château où il est question du village dans lequel j'ai grandi.
N'avez-vous jamais été tenté par la ville ?
Ce n'est pas possible. J'ai vécu un peu à Lyon. J'ai vraiment des difficultés avec le rythme de la ville, l'urgence et le monde. J'ai la sensation d'être oppressé. Je suis quelqu'un de solitaire, casanier. J'ai besoin de repères.
À mi-parcours du disque, le titre Danser s'extrait de l'ambiance générale…
J'avais une obsession de ce mot. Comme je trouvais que je n'avais que des ballades ou des chansons posées, je voulais une autre rythmique. Cela reste une chanson en corrélation avec la nature, mais le mouvement est là, aussi bien dans le texte que dans la musique.
Vous aviez signé chez Virgin en 2005 pour votre deuxième album Des chiens, des humains. Quel recul avez-vous sur cette brève expérience en major ?
C'était un saut trop rapide dans un milieu qui m'était assez étranger. Avec La Cuisine, le premier disque autoproduit, je faisais de la musique un peu en amateur. D'être chez Virgin, cela impose quelque chose. Et je pense que je n'étais pas mûr, pas prêt. Pas spécialement à l'aise, non plus, avec l'entourage. Je ne cache pas que j'ai quand même pris du plaisir à assurer des premières parties sur de grosses scènes. Mais on sait que cela peut s'arrêter du jour au lendemain ou qu'on peut vous rendre votre contrat à cause de chiffres comptables. Cela a été le cas pour moi. Cette expérience ne m'a pas empêché de continuer à faire des chansons. J'ai commencé en autoproduction et ce n'était pas un problème pour moi de revenir à ce mode de fonctionnement.
Est-ce un regret de ne pas exercer ce métier de chanteur à plein-temps ?
On a toujours cette envie en ligne de mire. Ce serait mensonger de prétendre le contraire. Mais les places sont chères. Je fais des chansons depuis l'âge de quatorze ans. J'ai continué à peaufiner mon travail, à garder le lien avec un public, à tisser un réseau en dehors des gros circuits.
Pourquoi faites-vous des chansons ?
Parce que j'ai un trop-plein d'émotion et, à un moment donné, il faut que ça sorte. Je ne suis pas un grand communicant. Je contiens souvent les choses en moi. Donc au bout d'un certain temps, j'ai besoin d'exprimer mes sentiments, mes ressentis. Mes révoltes aussi, même s'il y en a moins sur ce disque. Et puis j'aime cette impression d'être dans une bulle lorsqu'on crée. Cela peut provoquer une autosatisfaction…qui ne dure pas toujours bien longtemps puisqu'il m'arrive de jeter la chanson le lendemain (rires).
Votre écriture est moins revendicative que par le passé. Un déclic ?
J'ai fait beaucoup de chansons à caractère social, c'est vrai. Jusqu' A bout de bras, c'était un répertoire assez engagé. Il y a eu comme un virage avec La Cerise en 2013 et mon écriture s'est davantage recentrée sur les émotions et la contemplation. Auparavant, j'étais resté dans la dynamique de Virgin, c'est-à-dire une dynamique de vouloir plaire à tout prix. J'ai eu ensuite quelques déboires avec de petits labels. J'ai failli arrêter complètement. Lorsque je me suis mis à organiser des concerts pour les autres, l'envie de faire des chansons est vite revenue. Je n'avais pas vraiment d'ambitions et c'est peut-être pour cela que j'ai ouvert une autre brèche dans mes textes.
Yvan Marc Nos dimanches (Labeldiff 43) 2018