Véronique Sanson au firmament à La Rochelle
Véronique Sanson, qui a décidément retrouvé de sa superbe, a ouvert ce 11 juillet le festival des Francofolies de La Rochelle. Vocalement en pleine forme et toujours aussi émotionnelle, Véronique Sanson était entourée d'une flopée d'invités dont l'Américain Stephen Stills. Récit.
Inlassable, Véronique Sanson. Qui emmène ses chansons loin et haut, qui échappe à la pesanteur des comparaisons. Elle est juste elle, unique, vibrante, fiévreuse. Elle a la force d'attraction d'un astre géant. Une évidence de toujours. Depuis la tournée des Années américaines il y a trois ans, la chanteuse s'échappe et flotte dans une dimension retrouvée. Sa réaffirmation de l'état de grâce, sa force fragile indestructible ainsi que sa présence obsédante valaient bien qu'on lui fasse sa fête.
Ce n'est pas sa première célébration à La Rochelle puisqu'elle avait déjà eu lieu en 1994, avec une multitude d'invités (Marc Lavoine, I Muvrini, Maxime Le Forestier, Les Innocents) sur l'esplanade Saint-Jean d'Acre.
Sanson lance ici les hostilités sur les cuivres altiers de Radio Vipère et on fait un délicieux bond de trente ans en arrière. Elle dit : "J'ai envie de vous chanter des chansons que vous ne connaissez pas ou mal, des chansons qui ne passent pas à la radio. Je ne voudrais pas que vous mouriez avant de les avoir entendues". Ne pas compter donc à ce qu'elle ne déroule que le tapis à tubes. C'est une aventureuse, à l'écoute de ses envies et désirs. Nulle trace d'Amoureuse, Ma révérence, Une nuit sur ton épaule, Quelques mots d'amour. Mais un Monsieur Dupont dont l'introduction à la trompette du vétéran Steve Madaio (Stevie Wonder, les Rolling Stones, Janis Joplin) provoque des frémissements et un Marie dans lequel le violon d'Anne Gravoin (ex-Madame Valls) distille son élégante délicatesse.
Le groupe Tryo la rejoint pour un Alia Souza percutant et percussif. Puis elle s'installe au piano, son plus bel allié. Et surgit Je me suis tellement manquée. Chanson immense. Chanson de rédemption et d'abandon. Elle dit tout des divagations méphitiques et des blessures de l'âme. "C'était mon Lucifer qui tremblait devant moi/C'est pas que j'en sois bien fière/Mon hôte était à moi/Je pleurais des larmes de kirsch/Aux petites heures du matin/Dommage qu'il faille qu'on triche/Avec tous nos chagrins".
Elle enchaîne avec Et je l'appelle encore, hommage à la mère. Foudroyant d'abnégation. À ses côtés, sa garde rapprochée : le guitariste Basile Leroux, ses deux expressifs choristes, le bassiste Loïc Ponthieux. Ils jouent soudés et à son service. Vianney, toujours aussi généreux et vivace, participe au match retour du fédérateur Drôle de vie. Un mois auparavant, c'est lui qui avait sollicité Sanson pour ses deux concerts à l’Hôtel Accor Arena. La foule ne se prive pas de donner de la voix. Comme sur Vancouver, indémodable et qui n'a rien perdu de sa puissance mélodique.
Si on avait envisagé la reprise de Le temps est assassin en compagnie de Jeanne Cherhal, ce sera finalement Je sais que je t'aime bien. La même Cherhal qui avait réussi haut la main le pari de revisiter l'album culte Amoureuse lors des Francofolies de 2012. Le concert avance sans temps-mort. Rien que de l'eau et Bernard's song, indéboulonnables des setlists, empruntent un tracé vivifiant.
Jusqu'à ce que Véronique Sanson annonce : "Toute ma famille est là ce soir". L'ex-mari Stephen Stills - malgré des soucis d'audition - et le fiston Christopher s'avancent. En ligne, tous les trois s'arment d'une guitare. L'image est forte. L'image est rare. Ils font basculer On m'attend là-bas dans un rock teigneux. Elle se met en retrait. Les Stills s'emparent du micro. Riffs enflammés de For what it's worth, morceau légendaire de 1967 quand Stephen appartenait au groupe Buffalo Springfield.
Le public n'est que trop sage comme une image pour saluer la performance. Il scande "Patriiiiiick". Entendre par là : Bruel. Celui-ci est revenu au petit matin de Saint-Pétersbourg, lieu du triomphe de l'équipe de France de football en demi-finale de la Coupe du monde. Avec elle, il offre une version de haute volée de Visiteur et voyageur, pépite trop méconnue qu'on retrouve sur le disque Sans regrets. Enfin Alain Souchon, joueur et égal à lui-même, pour un Bahia repris en chœur par une foule conquise. "Merci de m'avoir rendue heureuse", glisse-t-elle en guise d'au revoir. Le bonheur est contagieux.
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