Les Ogres de Barback, amoureux solidaires
Cela fait 25 ans maintenant que les Ogres de Barback ont pris la route. Avec leurs engagements, Alice, Mathilde, Fred et Sam Burguière se sont fait une place au soleil de la chanson française. Une drôle de fratrie qui s’est faite sur scène et cultive, via sa maison de disques, Irfan, son indépendance. À l’occasion leur dixième album, Amours grises et colères rouges, retour sur cette histoire.
"La prochaine tournée, on va être nombreux sur la route, attaque Fred Burguière, le chanteur des Ogres de Barback. Depuis quinze ans, on aime bien alterner des années où l’on est juste tous les quatre et d’autres, où l’on est accompagnés de gens : un acrobate, une fanfare entière ou simplement un musicien." Au cours de ces concerts, les Ogres inviteront les Béninois d’Eyo’Nlé, et puis il y aura d’autres surprises pour célébrer leurs 25 ans de carrière. Une longévité exceptionnelle pour cette fratrie qui a fait sa réputation grâce au bouche-à-oreille.
C’est la scène qui a pris les quatre frères et sœurs originaires de Cergy-Pontoise, en région parisienne. Il y a d’abord eu un groupe fondé adolescent par l’aîné de la famille, Sam, bientôt rejoint par son cadet, Fred, à l’accordéon, puis par les jumelles, Alice et Mathilde, à tous les autres instruments. "On avait 15 ans, on était en seconde avec ma sœur. On faisait déjà de la musique avec nos copains. Quand nos frères ont vu que leur duo marchait bien, ils nous ont alpaguées", se souvient Alice Burguière. En septembre 1994, c’est le premier concert officiel des Ogres de Barback. Suivront les animations en terrasse dans les festivals de rue, les concerts dans les bars et dans les petites salles d’une centaine de personnes.
La découverte du monde
"La route, les rencontres, voyager. C’était presque ce qui nous plaisait plutôt que le concert en lui-même. On avait 18/19 ans pour les frangins, 16/17 ans pour les petites frangines, et tout d’un coup, on était en train de conduire notre camion pour faire un concert à Rennes, à Brest ou à Nantes. On faisait la 'teuf', on rencontrait des gens, ils aimaient nos chansons. Tu ne peux pas rêver mieux pour la découverte du monde", se rappelle Fred. Plus de 2 000 concerts plus tard, c’est toujours la même passion qui anime la famille Burguière. Une manière de faire qui s’est largement renouvelée au contact de "vrais groupes", comme ils disent : les Hurlements d’Léo pour l’aventure initiatique Un air, deux familles, la fanfare du Belgistan, ou un duo occitan…
Enregistrer des albums n’était pas une priorité pour nos Ogres à leurs débuts. Ils s’y sont mis, chemin faisant. Sur plus d’une vingtaine de disques parus à ce jour, Amours grises & Colères rouges est seulement leur dixième gravé en studio et "en solo ". Et encore, pas tout à fait ! Ils laissent un titre à Magyd Cherfi, la plume de Zebda, et à l’Israélienne Lior Shoov, Il y a ta bouche, quand les membres d’Eyo’Nlé ne les poussent pas vers des rivages afro-cubains (La Rochelle, Hé papa). Étonnamment, c’est la toute première fois que les Burguière ont mis leurs chansons sans chichis dans les mains de producteurs, le duo Loo & Placido, Damny Baluteau, le fondateur du groupe de drum'n'bass, La Phaze, ou Rémi Sanchez, le clavier de Zebda.
La musique est métissée et les textes sont comme toujours le reflet d’opinions politiques à gauche toute. Mais cette fois-ci, l’indignation est contrebalancée par des chansons d’amour. "Ayant beaucoup écouté Renaud, je préférais ses chansons de révolte à ses chansons d’amour. Nous, c’est les musiques du monde, La Mano Negra et le rock alterno des années 1980, les chanteurs comme Brassens, Pierre Perret, Léo Ferré, poursuit Fred. Donc, j’appréhendais un peu d’écrire des chansons d’amour. Je m’étais mis des garde-fous, je ne voulais pas faire de grandes déclarations. Mais plutôt explorer une relation : comment on vit avec quelqu’un, les hauts, les bas, la lassitude, le quotidien... Finalement, j’ai écrit les chansons d’amour un peu comme mes chansons politiques."
Irfan, un label qui leur assure l’indépendance
La musique festive est nourrie – comme toujours- par l’apport de nombreux instruments dont chacun joue. "On n’est pas les plus grands musiciens du monde, on n’est pas huit heures par jour sur notre instrument, constate Alice. On est plutôt des touche-à-tout. Mais par contre, tout nous intéresse dans le métier. On considère souvent qu’avant d’être des artistes, on est des artisans avec un grand A. Donc, on participe à toutes les étapes, l’élaboration d’un concert, la fabrication du disque. Être uniquement musiciens, cela ne nous suffirait pas du tout !" Le fonctionnement des Ogres est singulier. Depuis la toute fin des années 1990, ils ont choisi l’indépendance en créant notamment leur label, Irfan, qui fait vivre les quatre musiciens et embauche aujourd’hui quatre personnes à temps plein.
Nos artistes-artisans ne s’accordent jamais plus de six mois de pause. Il ne se passe pas un jour sans qu’ils répondent à leurs e-mails ni un mois sans qu’il fassent une réunion pour acter leurs choix. Mais cette façon de faire leur a permis d’atteindre sereinement, semble-t-il, ces 25 ans de carrière. Les joies simples d’une démocratie participative ? Pas seulement... "La force d’être frères et sœurs, et de bien s’entendre, c’est que cela enlève beaucoup de soucis. Dans la famille, on s’est engueulé, mais jamais très fort, relève Fred. Et puis, il y a cette fameuse phrase que m’avait dit Polo, mon pote qui chantait dans Les Satellites : 'De toute façon, un groupe de rock se sépare pour trois raisons : la drogue, l’argent, et le cul.' Nous, on n'a pas de problèmes d’ego, on partage l’argent, et à part les deux pétards qu’on a fumés quand on avait 17 ans, la drogue, c’est pas notre truc !"
La joyeuse caravane des Ogres repartira donc avec ses amours grises et ses colères rouge sang. Il se pourrait bien qu’on la croise sur les routes de France encore une bonne paire d’années.
Les Ogres de Barback Amours grises & colères rouges (Irfan) 2019
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