Renan Luce, sur un air de rupture

Sur son 4e disque, Renan Luce explore en douceur sa rupture amoureuse. © Julien T. Hamon

Treize ans après son succès initial, Renan Luce continue son petit bout de chemin. Sur son quatrième disque, qui porte son nom, il s’imagine crooner et explore en douceur sa rupture amoureuse. Si le garçon avoue de bons moments de doute, il n’en garde pas moins son humour et son amour pour les jolis mots.

RFI Musique : le point de départ de ce disque, c’est votre rupture amoureuse…
Renan Luce : Oui, on ne peut que le constater. Les émotions occultaient tellement mon champ de vision que c’était parfois difficile d’aller ailleurs. Quand j’ai écrit la première chanson, j’avais l’impression d’avoir tout raconté et que je pouvais parler d’autre chose. Mais finalement, une deuxième est venue, puis une troisième, une quatrième... C’est donc un thème très présent, non pas sur chaque chanson, mais pas loin. J’avais envie de faire un état des lieux des différents sentiments par lesquels on passe quand on vit ça. Ce sont des chansons pansements, qui m’ont permis de prendre du recul sur cette histoire et de me faire du bien avec des choses lourdes.

Dans le refrain de la chanson On s’habitue à tout, vous dîtes : "On s’habitue à tout/, Mais ne plus dire : 'Je t’aime’/S’en remet-on quand même ?'". Le propos de l’album, est-il de se dire qu’il faut continuer à vivre après ce genre de chose ?
Je ne crois pas qu’il y ait vraiment de message. C’est le voyage par lequel je suis passé et certainement, celui de plein de gens. Moi, j’ai eu la chance que ce soit fait avec beaucoup de douceur. Il y a des histoires beaucoup plus tragiques que la mienne. Néanmoins, c’est déroutant, on est face à une forme de vertige. Il y avait donc matière à l’aborder dans beaucoup de tonalités : avec de la tristesse, de la douceur pour ma fille, et évidemment, de l’espoir… Tout ça, je l’ai découvert au fur et à mesure, parce que chaque chanson a été un moment des trois ans qu’a duré l’écriture de cet album. Il y a aussi d’autres chansons que je n’ai pas mises, parce que c’était trop. Cela a été une sorte de journal intime. Et en même temps, étant passionné de chanson, quel meilleur thème que celui du tourment amoureux ? C’est aussi ce qui m’a fait du bien. De faire pleinement mon métier autour de quelque chose de vrai.

Quelle est la première chanson qui est venue ?
La première chanson, c’est Le vent fou, que j’ai écrite dans le dur de mes émotions. J’avais envie de décrire ce que je ressentais dans le côté aigu de la peine de cœur. J’ai commencé cette chanson à Los Angeles, ce qui fait très cool dit comme ça… Mais j’étais là-bas pour des sessions d’écriture avec des éditeurs de musique. Un jour, le vent s’est levé, et comme j’étais loin de chez moi, m’est venue cette idée d’un vent qui arrivait de loin et qui m’apportait des mauvaises nouvelles. J’ai écrit assez vite les deux premiers couplets à l’aéroport, au retour. Dans la musique, je crois que j’ai commencé à me questionner quand j’ai mis la mélodie sur ces mots-là. J’ai eu envie d’emphase. C’est à partir de là que j’ai voulu faire un album un peu différent, de revenir à des amours anciennes pour cette chanson des années 1960, une chanson très orchestrale. J’avais dans l’idée que si je voulais aborder un thème très personnel, il fallait que je le fasse avec une musique qui m’est très personnelle.

Quand on écoute Au Début, on pense un peu aux grandes orchestrations de la bossa-nova ou aux musiques des films hollywoodiens. Quels noms aviez-vous en tête pour ces musiques ?
Vous avez raison de parler de musiques hollywoodiennes. Mais ce fil est arrivé là, parce qu’il a été tiré avant moi par les grands orchestrateurs en France dans les années 1950/1960, en particulier François Robert qui a été l’orchestrateur de Jacques Brel. Il a été influencé par cette musique-là, mais c’est aussi ce que j’ai appris en me renseignant sur l’époque. Les grands orchestrateurs américains comme Quincy Jones sont venus apprendre l’orchestration en France parce que la culture classique vient d’Europe. Les Américains ont télescopé cette culture avec leur culture, le jazz, et après, tout ça revient dans l’autre sens… C’est ce que l’on retrouve chez Brel dans des chansons comme Une île ou Isabelle, ce chaloupé de la bossa ou du latin-jazz.

Est-ce que le fait de laisser une chanson comme Du Champagne à quinze heures, à Pierre-Dominique Burgaud (Alain Chamfort, Le Soldat rose, Johnny Hallyday...) a été quelque chose de facile ?  
Oui, et j’en suis vraiment très heureux. C’est nouveau pour moi, car jusqu’à présent, je gardais jalousement le fait d’écrire mes textes. Mais c’est aussi les rencontres... J’ai une grande admiration pour son écriture, c’est l’un des meilleurs auteurs en France en ce moment. Je pense qu’on partage une même culture de la chanson, une même manière d’envisager ce métier. J’ai une grande confiance en sa finesse. Cela faisait longtemps que je lui réclamais une chanson. Mais j’avais un peu cette inquiétude quand on demande à quelqu’un avec qui on est ami : qu’il le fasse et que je n’aime pas… Un jour, on était aux puces de Saint-Ouen. On se baladait, il faisait beau. On s’assied à la terrasse d’un café. Il y avait une table assez bruyante à côté de nous. Deux jeunes femmes buvaient du champagne en plein après-midi. Et on se faisait cette réflexion, qu’on n'avait peut-être pas ce lâcher-prise. On est parti sur cette idée : du champagne à quinze heures. Le lendemain, il m’envoie deux couplets, j’ai trouvé une mélodie de suite. C’était un rêve cette chanson, je l’aime beaucoup.

Quel rapport avez-vous aujourd’hui avec celle qui a été votre femme et qui a inspiré votre disque : Lolita Séchan, la fille de Renaud ?
Un excellent rapport, très beau, très doux. On a cette chance d’avoir réussi cette séparation, qui débouche sur quelque chose qui est tout aussi beau, finalement, que le couple, ce lien de parents. D’elle à moi, il y a beaucoup d’affection. Ce qui a toujours été le cas, même au moment où j’écrivais ces chansons. Les choses ont été faites avec beaucoup de cœur. Et puis, on est les parents d’une petite fille qu’il est merveilleux de voir grandir. Donc, ça porte tous les deux notre regard sur quelque chose de très beau. On en est nous-mêmes éclaboussés, ce qui nous rend beaux...

Renan Luce (Barclay) 2019

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