Bernadette de Lourdes, une autre voix
À partir des procès-verbaux d'époque, la comédie musicale Bernadette de Lourdes retrace la vie de la jeune fille connue pour avoir vu des apparitions de la Vierge. La première du spectacle a lieu le 1er juillet dans les Pyrénées, à Lourdes précisément. Interview du chanteur Grégoire qui en a composé la musique.
RFI Musique : Après avoir mis en musique sainte Thérèse de Lisieux en 2013, vous vous attaquez à Bernadette Soubirous. Êtes-vous touché par la grâce ?
Grégoire : Pour être franc, pas du tout (rires). Lorsqu'on m'avait proposé Sainte Thérèse, j'avais d'abord refusé parce que je n'avais pas envie de me mêler à quelque chose de religieux. Mais comme je suis curieux, j'ai quand même lu les textes de sainte Thérèse pour voir de quoi on me parlait et j'ai trouvé ça très bien écrit. Elle évoquait son amour pour Dieu et son propos était de dire que ça lui servait à faire des choses positives. Elle ne demandait pas de croire, mais d'avoir foi en quelque chose. Je me suis dit que je ne m'arrêterais pas au qu'en-dira-t-on et j'ai donc mis ça en musique. Dans une société où on parle régulièrement de la religion dans sa vision négative, ça m'emballait qu'on mette ça en lumière. Pour Bernadette, c'est la même chose. Ce que j'aime chez elle, c'est qu'elle a maintenu son propos face au clergé et à la justice. Cette fille de 14 ans est restée intègre par rapport à ce qu'elle pensait. Elle aurait pu tout simplement ne rien dire et rentrer chez elle sans que personne ne la dérange. Aujourd'hui, on en est à soixante-dix miracles, des milliers de guérisons et surtout une ville (Lourdes, ndlr) avec énormément de solidarité.
Est-ce vraiment un hasard ces deux projets ?
Les gens qui m'ont appelé pour le spectacle sur Bernadette, ce sont ceux qui ont produit celui sur Thérèse (dont Éléonore de Galard, épouse de Grégoire, ndlr). Ils ont aimé la dynamique que j'avais insufflée. C'est-à-dire ne pas mettre, par exemple, des batteries partout.
Qu'est-ce qui a impulsé votre direction artistique ?
L'une de mes comédies musicales préférées, c'est Les Misérables. Il y avait donc cette idée d'intemporalité. Dans le spectacle, on aura des chansons qui commencent sans qu'on s'en rende compte. Je ne voulais pas qu'il y ait un automatisme tel qu’"une scène de théâtre-une chanson". J'avais envie de quelque chose d'assez orchestral, du violon, du piano et un côté épique/musique de film. Une comédie musicale, c'est un long-métrage sur scène. On est très loin des chants religieux ici. Les auteurs Lionel Florence et Patrice Guirao ont écrit Les Dix commandements qui n'est pas non plus une messe. On raconte l'interrogatoire que Bernadette a vécu, mais on n'affirme pas qu'elle ait vu la Vierge. On part de faits avérés, mais on n'impose à personne de penser quoi que ce soit. Chacun voit ce qu'il a envie de voir.
Une comédie musicale dans l'esprit Broadway ?
Le spectacle sera cent fois mieux que l'album qui est en quelque sorte un produit dérivé. Le postulat de départ, c'était de faire un spectacle sur place à Lourdes et donc, comme à Broadway, en jouant tous les jours. On n'est pas dans les paramètres radio avec un morceau qui devrait entrer en playlist. On veut installer un show quelque part et que ça prenne de l'ampleur au fur et à mesure.
La comédie musicale, c'est quitte ou double. Visez-vous donc un public de visiteurs et pèlerins ?
Les visiteurs, les vacanciers, effectivement. Les gens qui vont à Broadway sont de passage. Il y a des millions de gens par an qui se rendent à Lourdes. C'est la deuxième ville hôtelière de France. Tout pari est risqué. Chez nous (en France, ndlr), on n'a pas l'habitude de faire vraiment ça, on a tendance à mettre une comédie musicale dans une grosse salle pendant trois mois et après ça s'arrête. Les Misérables n'ont jamais marché en France, vous savez. Quand les créateurs sont arrivés ensuite aux États-Unis, on leur a dit qu'ils étaient à contre-courant. Or, c'est grâce à ça que cela a fonctionné. On ne sait jamais, il y a de belles aventures qui finissent très bien ou d'autres qui restent sur le carreau. Le metteur en scène québécois Serge Denoncourt est un incontournable. Il a fait des spectacles assez dingues. La grotte sera notamment reproduite à l'identique.
Le spectacle sera-t-il un jour joué à Paris ?
Sur le principe, non. Cela doit être à Lourdes six mois dans l'année et ensuite, cela doit partir à l'étranger : Italie, Amérique du Sud, Canada, Corée... Après, c'est plus une question à poser aux producteurs. Je pense que ça risque de venir à un moment donné à Paris, mais pas dans la durée comme à Lourdes.
Est-ce un atout de ne pas avoir de tête d'affiche ?
Comme à Broadway toujours, d'une certaine manière. Le succès là-bas d'un spectacle ne repose pas de la notoriété de sa distribution. Bernadette, c'est vraiment un esprit de troupe. Je pense que des gens ressortiront de là. Eyma (ancienne candidate de The Voice Kids en 2015, ndlr) aura une carrière après. Et puis, à un moment donné, elle n'aura plus l'âge pour le personnage (rires). Ce sera une belle expérience pour elle, j'en suis certain.
Expérience, c'est le titre de votre double album sorti en décembre dernier...
Je l'ai distribué en digital. Ce sont des chansons moitié piano-voix moitié électronique. Dans trois ans, il n'y aura plus de CD. Donc j'essaye d'anticiper et d'être à l'avant-garde là-dessus. Quand j'avais commencé avec MyMajorCompany, c'était le public qui produisait. Là, j'ai décidé d'être directement en contact avec lui et qu'il n'y ait plus d'intermédiaire. Musicalement, j'aime aussi tenter des choses. Ce qui m'amuse, c'est la création. Il y a des titres légers et d'autres plus intimes. Je vais aussi certainement sortir un mini-album de cinq titres d'inspiration folk à la fin de l'année.
Spectacle Bernadette de Lourdes, à partir du 1er juillet. Salle Robert-Hossein, Lourdes