Fred Mella, le compagnon de la chanson

Fred Mella en concert, octobre 2012. © RFI/Edmond Sadaka

Ténor et soliste des Compagnons de la Chanson pendant plus de quarante ans, il fut aussi leur photographe en coulisses et un des personnages les plus attachants du showbiz français de l'époque. Il vient de disparaitre à l'âge de 95 ans, ce samedi 16 novembre 2019.

Fred Mella aura accompli la gageure de se faire un nom sans quitter son groupe. Certes, sa voix exceptionnelle avait fait de lui le soliste des Compagnons de la Chanson, mais il avait réussi à dégager une personnalité propre voire à apparaître comme le primus inter pares de l’ensemble vocal le plus populaire de la francophonie. 

Il ne faisait pas partie des cinq premiers Compagnons de la Musique qui, en 1941, avaient commencé à sillonner les routes de la Zone libre en chantant un répertoire folklorique et pseudo-médiéval, comme c’est la mode à l’époque.

Fred Mella, fils d’immigrés italiens né en 1924 en Ardèche, il les rejoint en 1943. Avec sa belle voix de ténor et sa justesse impressionnante, il est aussitôt désigné comme soliste. Devenus Compagnons de la Chanson et atteignant l’effectif de neuf chanteurs, ils deviennent des vedettes presque du jour au lendemain quand Édith Piaf les prend sous son aile et enregistre avec eux Les Trois Cloches – Fred Mella tenant la voix soliste d’une pureté parfaite, qui contraste superbement avec la voix tragique de la Môme.

Une aventure de 40 ans

De la chanson néo-folklorique (comme le fameux Galérien qui sera, en 1950, un de leurs plus grands succès) à des adaptations de succès du moment (Le Sous-marin vert, d’après The Yellow Submarine des Beatles), de chansons originales (souvent signées du Compagnon Jean Broussolle) en compositions prestigieuses (beaucoup de chansons de Charles Aznavour, notamment), l’aventure des Compagnons de la Chanson durera quarante ans, quarante disques et plus de 8000 spectacles.

Le groupe parcourt le monde et enchaîne tube sur tube, tout en constituant une communauté singulière dans laquelle chacun a une fonction bien définie. Fred Mella, qui confesse une vocation rentrée de peintre, est le photographe du groupe. Il prend, en coulisses et en voyage, de nombreuses photos des Compagnons de la Chanson, de leurs multiples rencontres et des pays traversés.

Plus tard, il exposera ces souvenirs avec ceux de deux autres chanteurs-photographes, Paul Tourenne des Frères Jacques et Pierre Jamet des Quatre Barbus. C’est aussi le plus "métier" des Compagnons. Outre Charles Aznavour, il est l’ami de Georges Brassens, Charles Trenet, Boby Lapointe, Fernand Raynaud, Raymond Devos, Lino Ventura, camaraderies professionnelles et humaines qu’il évoquera plus tard dans Mes maîtres enchanteurs, son livre de mémoires.

Fin de partie

Les Compagnons, malgré le fait qu’ils remplissent toujours les salles, se lancent en 1980 dans leur tournée d’adieux. Celle-ci durera cinq ans, interrompue quelques mois par une opération du cœur de Fred Mella. Alors que tous les anciens Compagnons se détournent de la chanson (Jean-Louis Jaubert à la Fédération française de football, Jo Frachon comme animateur télé…), il continue son métier.

Mais rien à voir avec le rythme éreintant de la carrière des Compagnons : Fred Mella donne des concerts de loin en loin, pour le plaisir de partager encore un répertoire enchanté avec un public nostalgique, comme en décembre 2008 à l’Olympia, presque vingt-quatre ans après l’ultime concert, dans cette même salle, des Compagnons de la Chanson.