Clara Luciani et Philippe Katerine, tandem gagnant des Victoires
Pas de razzia au niveau des récompenses pour cette 35e édition des Victoires de la musique. Clara Luciani et Philippe Katerine ont été récompensés dans les catégories reines, Alain Souchon sacré Meilleur album. Angèle, qui triomphe partout où elle passe, ne décroche finalement que la Victoire du Meilleur concert. Une soirée marquée par un excès de nostalgie.
Ça commence presque par un gag. Florent Pagny, président de cette 35e édition, ouvre la cérémonie en évoquant "le streaming qui est en train d'arriver et qui va être notre futur ". Il a un peu un wagon de retard, l'apôtre de la Liberté de penser. Le voilà déjà affublé sur les réseaux sociaux de l'expression "Ok Boomer ", utilisée pour railler les pensées stéréotypées de la génération des baby-boomers.
Pendant ce temps-là en coulisses, les langues se délient. On entend à la volée qu'Angèle, la grande favorite, ne pourrait pas faire le plein à cause de ses postures et caprices de star, que -M- n'aurait pas fait le déplacement parce que certain de sa défaite, que Maxime le Forestier - à qui on remet une Victoire d'honneur (pour l'occasion, le très rare Jean-Jacques Goldman a d'ailleurs enregistré un bref message vidéo et Vianney a chanté avec brio San Francisco) - est désormais le sosie de Jack Nicholson.
Mais le sujet récurrent reste le manque criant de diversité avec les catégories de genre qui disparaissent du tableau cette année. Les Victoires de la musique n'avancent-ils à contre-courant de l'époque en ne conviant plus au banquet le rap et le hip hop ? Pourquoi snober les musiques du monde, précieuses et déjà pourtant sous-représentées médiatiquement ? Donc huit trophées à remettre au lieu des treize initiaux (exit également l'Album rock et l'Album électro).
Une refonte pour insuffler une autre dynamique à la soirée et booster l'audience télévisuelle (au final 2,4 millions, soit seulement 400 000 téléspectateurs de plus engrangés par rapport à l'an dernier). Ce nouveau souffle, on le cherchait. En vain. Plutôt que de dresser un état représentatif des musiques actuelles, la cérémonie a pris la forme d'une émission de variété.
Tous les artistes nommés joueront en live, martèle-on. Pas de trace pourtant de PNL, aux abonnés-absents malgré une récompense dans une catégorie dont tout le monde se fout à peu près (création audiovisuelle). Boycott aussi de Nekfeu ainsi que des Vieilles Canailles, Jacques Dutronc et Eddy Mitchell. On aura, par contre, assisté à un défilé d'animateurs à la gloire de la chaîne et surtout à une interminable flopée de magnétos célébrant les archives.
Les Victoires carburent à la nostalgie jusqu'à l'indigestion. Pour éviter qu'on pique définitivement du nez, les performances live ont heureusement sauvé la mise. En tête : la patronne Catherine Ringer à l'incandescence intacte sur un medley des Rita Mitsouko, Jeanne Added impressionnante au milieu d'une troupe de danseurs habités, Vincent Delerm d'une classe folle, Suzane qui n'a pas volé sa statuette de révélation scène, Malik Djoudi synthétiquement envoûtant, Lomepal encore bluffant et qu'on aurait vraiment aimé voir figurer au palmarès.
De son côté, la chanteuse Hoshi a diffusé une bande-son d'extraits de propos homophobes au cours de son titre Amour censure avant d'embrasser une autre femme sur scène. Auréolé de la distinction de l'artiste masculin, Philippe Katerine a, lui, interprété son morceau Stone avec toi avec un châle de gants en latex. Le trublion a aussi livré le plus long et meilleur discours de la soirée. "Je pense beaucoup aux artistes qui sont nommés dans la catégorie avec phallus, avec quéquette. Puisque il y a la catégorie artistes avec utérus, il faut espérer qu'un jour, on puisse jouer ensemble les mêmes jeux et dans la même cour. Il y a plein de possibilités de catégories, genre je sais pas, le poids, la taille, les artistes drogués, les artistes clean, le taux de cholestérol, les pieds plats, enfin tout est possible ".
Indémodable et toujours dans le coup, Alain Souchon récolte une dixième Victoire tandis que Clara Luciani renverse sa copine Angèle (les deux femmes partagent la même manageuse). Reine en ce jour de Saint-Valentin, elle dont l'album parle majoritairement de rupture amoureuse. Un beau symbole. Et un sacre amplement mérité.
Le palmarès
Artiste masculin : Philippe Katerine
Artiste féminine : Clara Luciani
Album chanson : Âme fifties d'Alain Souchon
Révélation scène : Suzane
Album révélation : Les failles de Pomme
Chanson originale: Ça va, ça vient de Vitaa & Slimane
Concert : Angèle
Création audiovisuelle : Au DD de PNL