Jean-Baptiste Soulard, ballade en forêt

On le connaissait en tant que guitariste du groupe rock Palatine (dont il est co-fondateur) et comme accompagnateur de la chanteuse israélienne Roni Alter : Jean-Baptiste Soulard, qui compose également pour le théâtre, fait partie de cette nouvelle génération d’artistes français un peu touche-à-tout.

Il y a deux ans, la lecture du récit de Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie (prix Médicis 2011), fut pour lui le point de départ d’une nouvelle aventure musicale. L’auteur relate dans cet ouvrage littéraire son expérience en Sibérie en 2010. Il y a vécu pendant six mois en ermite, dans une cabane près du lac Baïkal. Sylvain Tesson voulait se rapprocher de ce qu’il ne connaissait pas : le grand froid, le silence, les grands espaces, la solitude totale.

Jean-Baptiste Soulard, séduit par ce récit, a voulu lui donner une dimension musicale. Il a donc mêlé ses mots à ceux de Sylvain Tesson dont il dit avoir accueilli l’ouvrage comme un "signe", lui qui voulait depuis longtemps écrire un album dans la lignée des disques folk américains, avec des arrangements dépouillés et une exigence dans les textes. "La découverte du livre a été le prétexte littéraire qui m’a décidé à le faire. Je me suis mis à digresser sur ce que Tesson décrit dans les forêts de Sibérie et j’en ai fait tout simplement des chansons".

Atmosphère mystique

À l’écoute, c’est une atmosphère apaisante qui se dégage d’emblée et que l’on retrouve du reste sur les 11 titres. Jean-Baptiste Soulard nous emmène dès le premier morceau avec un duo avec Bessa, jeune chanteuse originaire du sud de la France. "Sois le premier à me raconter ces histoires/ sois la première à m'en parler/ Soi-disant qui nous console/ Terre d’asile mystérieuse". Les paroles donnent le ton de tout l’album. Les arpèges de guitares sont délicats, l’ambiance ouatée, les arrangements vocaux harmonieux.

Nous voici tout à coup bien loin de l’agitation de notre monde, du bruit et de la pollution de nos villes. Pure coïncidence : la sortie du disque est intervenue au moment où une bonne moitié de la planète se plongeait dans le confinement pour cause de crise sanitaire.

Jean-Baptiste Soulard, s’il est le premier surpris par ce hasard du calendrier, n’en revendique pas moins sa fascination pour l’idée de l’isolement. "Sans doute parce que je ne serai pas capable de faire ce qu’a fait Sylvain Tesson. Et de toute chose que l’on fantasme naît une énergie qui donne de la créativité".

Dans ce disque aux sonorités très folk, où l’on perçoit les influences musicales de Leonard Cohen, Nick Drake ou Sufjan Stevens, on découvre aussi un chant venu du continent africain : celui du musicien camerounais Blick Bassy. Sur le morceau Isba, il chante en dioula, pour évoquer la minuscule cabane de bois qui sert de refuge au milieu de toute cette immensité sibérienne. C’est sans contexte l’un des temps forts de l’album.

Parmi les autres invités, la chanteuse Lucioles, JP Nataf (Les Innocents), Achille ainsi que le comédien Raphael Personnaz. Ce dernier est venu réciter Asile. Sa voix et sa diction sont superbes dans ce monologue restituant les propos de Sylvain Tesson "venu en Sibérie tirer sur les discours le rideau des forêts."

Ce projet de Jean-Baptiste Soulard trouvera dans les mois prochains son accomplissement sur scène. Il était initialement prévu début avril 2020 à Paris au Café de la Danse mais avait dû être déprogrammé en raison de la crise du coronavirus. Jean-Baptiste Soulard a fait appel pour la chorégraphie de ce spectacle à Lisa Robert (danseuse de la compagnie DCA Decouflé). La version scénique de l’album Le Silence et l’eau comprendra aussi quelques chansons inédites !

Jean-Baptiste Soulard Le silence et l'eau (Horizon/Un Plan Simple/Sony) 2020
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