Catherine Major sans piano

La chanteuse québécoise Catherine Major publie "Carte mère". © John Londono

Cinq ans après La maison du monde, l’artiste québécoise Catherine Major lançait en mai Carte mère, un album marqué par la naissance de son quatrième enfant, un départ à la campagne et une grande soif d’autonomie. La pianiste et chanteuse – désormais également productrice de musique électronique et réalisatrice – revient sur le processus de création de cet opus complètement différent.

Une pianiste qui fait paraître un album sans piano, ça choque? "C’est certain que ça peut surprendre les amateurs de piano-voix!", rigole Catherine Major, au bout du fil depuis sa maison de campagne en Estrie. "Mais en même temps, mes albums n’ont jamais été que ça. Et ça ne m’empêche pas de faire du piano-voix en salle, d’avoir ce moment super intime avec le public. J’adore et je continuerai de le faire toute ma vie."

Sauf que cette fois, sur album, la musicienne de formation classique et jazz avait surtout envie de se lancer dans une démarche complètement autonome : réaliser et arranger par elle-même, électroniquement, un disque qu’elle a entièrement composé. "Je ne peux pas être plus proche de moi-même qu’avec cet album, que j’ai fait toute seule", déclare-t-elle avec fierté.

Il y a deux ans, Catherine quittait sa Montréal natale avec sa famille pour s’établir dans une maison de campagne, où elle s’est munie d’équipement pour entamer son processus de création. Le titre de son cinquième disque fait directement référence à son nouvel instrument, l’ordinateur, mais aussi au thème de la maternité, omniprésent dans son œuvre. Car l’album a été entièrement conçu chez elle, autour de la naissance de son quatrième enfant (à qui elle s’adresse d’ailleurs dans la première chanson, Bateau bleu).

Apprentissage autonome

"Au-delà de maîtriser de nouveaux outils, la chose la plus complexe pour moi, c’était d’apprendre à me faire confiance", révèle l’artiste, qui s’avoue extrêmement perfectionniste. "J’ai des amis dont [la production sonore] est le métier, et ils ont des tonnes de bidules de son. Je n’ai pas tout cet équipement-là. Est-ce que je serai jugée par mes pairs? Je ne me suis jamais posé cette question en tant que compositrice ou interprète… Puis, il y a le besoin de recul, qu’on n’a pas toujours en travaillant seule."

La plupart de ces moments de doute ont été surmontés grâce à Jeff Moran, son partenaire de vie, le père de ses quatre enfants, et le parolier de ses albums (qui signe aussi les textes de Carte mère, à l’exception de Tableau glacé, que Catherine a écrite elle-même pour une amie). "Il me ramenait à l’ordre en me disant que l’important, c’est que les chansons soient solides. T’as beau avoir les sons les plus extraordinaires au monde, si tu n’as pas la matière mélodique, les textes et quelqu’un pour les incarner, ça ne donne absolument rien!"

Pendant deux ans, elle a donc conçu et appris à "habiller" par elle-même ses mélodies, armée de son ordinateur. Les chansons ont été composées dans l’ordre dans lequel elles paraissent sur disque, de Bateau bleu à Unique survivant. Et l'artiste raconte avoir parfois dû "en mettre trop" pour apprendre à revenir à l’essence d’une chanson, "retrouver la magie".

Mais même sans le groupe traditionnel de musiciens qui l’accompagne habituellement, l’artiste est loin d’être seule sur Carte mère : le disque fait aussi appel à un orchestre symphonique, le Bratislava Symphony Orchestra. La présence de celui-ci, et la prédominance des cordes, étaient une idée directrice du projet de celle qui, au cours des dernières années, a eu l’occasion de participer à plusieurs concerts d’envergure, notamment avec l’Orchestre symphonique de Québec.

"J’ai toujours été une grande fan des orchestres et des cordes! s’exclame Catherine. Mes autres albums avaient un quatuor à cordes, mais cette fois, c’était bien différent! La charpente des chansons était déjà là et je voulais une décoration : il fallait trouver le parfait dosage. Je suis super contente du résultat!"

L’appel des «grooves»

Autre nouveauté dans le corpus de Catherine : Carte mère contient quelques pièces qui donnent envie de bouger, comme «La panique». "Ce projet est particulier parce que je l’ai imaginé sur scène avant tout, avec des danseurs", explique-t-elle, en racontant le coup de cœur qu’elle a eu ces dernières années en assistant et en contribuant à des productions de danse.

"J’ai voulu créer des chansons qui groovent et qui, en spectacle, pourront s’ouvrir sur de longs passages pour laisser place à la danse, se souvient-elle. Pour que le show soit un voyage d’un bout à l’autre, une expérience multiple avec la musique, la danse, les textes…"

Ce spectacle d’envergure que l’artiste avait imaginé est toutefois reporté : paru en en plein contexte de pandémie mondiale, Carte mère a finalement dû être lancé en ligne (avec l’apport de danseurs, tout de même). Ce n’est que partie remise : "Même si j’ai tellement travaillé sur toutes les chansons dans les moindres détails, j’ai l’impression que tant qu’elles n’ont pas été faites en spectacle, elles ne sont pas encore allées au bout de leur vie. La sortie de l’album est juste le point de départ. Il me reste à les vivre, sur scène, avec les gens."

Catherine Major Carte mère (Audiogram) 2020

Site officiel / Facebook / TwitterInstagram