Les Têtes Raides : les oiseaux, l’accordéon et Ginette

La troupe des Têtes Raides sort la compilation "30 ans de Ginette". © Yves Malenfer

Les Têtes Raides devaient monter sur la scène de l’Olympia en ce début de mois de novembre et reprendre la route, avec ce mot d’ordre : "Jouer, dès que c’est possible". Mais l’arrêt des spectacles lié au confinement, en aura décidé autrement. En attendant un nouvel album prévu pour l’an prochain et, alors que paraît la compil 30 ans de Ginette, on a jeté un coup d’oeil dans le rétro avec Christian Olivier. Bien sûr, on a parlé de cette chère Ginette, mais pas seulement !

RFI Musique : Les 30 ans de Ginette, c’est trente ans de chansons ? Ou de scène ?
Christian Olivier : Ça a démarré avant puisque la chanson Ginette apparaît sur l’album Not Dead But bien raides, en 1989. Disons qu’on a fixé les années de Ginette comme référence. Tous les dix ans, c’est l’occasion de refaire un petit tour de "l’œuvre Têtes Raides".

Comment arrive la chanson Ginette et ce personnage de danseuse inlassable ?
De près où de loin, on a tous croisé notre Ginette, on va dire. Moi, j’ai croisé ma Ginette avant d’écrire la chanson. Pour moi, Ginette, c’est la vie sous toutes ses formes. Ensuite, dans une chanson, il y a ce que je raconte et chacun y trouve son histoire. Le jeu, c’est d’ouvrir des fenêtres et des portes que chacun peut emprunter.

Parmi les fils rouges des Têtes Raides, il y a les oiseaux. L’un de vos disques s’appelle Les oiseaux et dans vos textes, vous en appelez souvent à eux. Pour quelles raisons ?
Déjà, il y a le chant. Les oiseaux, ça chante tout le temps. Il y a une forme de liberté, d’envol. Il y a un regard. Je n’ai jamais fait de deltaplane, mais il y a le fait de voir le monde d’une certaine manière, de pouvoir franchir les frontières en volant. Et puis, il y a cette diversité qui m’a toujours fascinée.

Est-ce pour cela qu’ils reviennent, ces oiseaux ? Ce sont des oiseaux de passage ?
Soit ça va être des corbeaux, soit ça va être des moineaux, et il sont au-dessus de nous. En même temps, il y a une intelligence. Ils sont là pour porter l’imaginaire, le voyage.

Il y a une autre forme de voyage et d’imaginaire chez vous : c’est la poésie.
Des oiseaux à la poésie, voilà ! (Enthousiaste) Dès que je me suis mis à écrire des textes, j’ai tout de suite commencé à reprendre des auteurs. À l’époque, le premier texte que j’ai mis en musique, c’était un auteur méconnu qui s’appelait Manzi. Ensuite, il y a eu Prévert et puis, ça s’est enquillé : Jean Genet, les surréalistes, les poètes russes, Dagerman… On a monté un spectacle, "Corps de mots", dans lequel il n’y avait que des poèmes mis en musique. J’ai toujours côtoyé la poésie. Pour moi, ça a toujours été en lien avec mon écriture et je voulais aussi la faire partager. Sur Le bout du toit, quand on travaille sur L’amour tombe des nues, plein de gens ne connaissaient pas ou très peu Robert Desnos. Et d’entendre chanter, "La sorcière tombe des nues" dans un concert, par 1000 personnes, c’est super !

Qu’est-ce qui compte alors, les mots ou les images qu’ils amènent ?
Les deux ! De toute façon, la poésie, c’est tellement riche. C’est quelque chose qui est vraiment essentiel, et encore plus dans la période qu’on traverse actuellement. Souvent, on enferme la poésie dans quelque chose de littéraire, mais c’est le quotidien, c’est se promener dans la rue. La poésie, ce n’est pas que les livres. Ensuite, faut ouvrir les yeux et les oreilles, faut respirer, faut sentir !

Et comment trouve-t-on, la poésie ?
On ne la trouve pas, on se la prend dans la gueule. Moi, c’est ce qui m’est arrivé, en tout cas. On ne comprend pas toujours, parce que c’est quelque chose qui, des fois, est abstrait. C’est suggéré, c’est des images, des odeurs. C’est en cela que c’est universel. Pour moi, c’est le terreau de la vie !

Les Têtes Raides tournent autour de vous, mais la formation a beaucoup changé au fil des années. La plupart des membres sont revenus pour ces 30 ans.
Il y a l’équipe de choc, comme on dit ! Lulu à la batterie, mon frère, Cali, à la basse, Grégoire, au saxophone, Pierrot, au trombone, Anne-Gaëlle, au violoncelle, Serge, à la guitare, et Edith, qui fait du clavier. Têtes Raides, c’est une troupe. On ne fait pas que de la musique, c’est du spectacle sous toutes ses formes. De mon côté, je fais de l’image, j’adore le théâtre. J’ai fait des expériences de danse, de cinéma. Les mouvements qu’il y a eu dans Têtes Raides sont toujours artistiques, et pour raconter une histoire. Le style Têtes Raides est à 180°.

Mais il reste un côté fanfare quand même !
Pas tout le temps ! Sur un morceau comme Saint-Vincent, il y a de la guitare classique. Sur Je chante, c’est du violoncelle et de la guitare. Bien sûr, on peut dire que dans Têtes Raides il y a le son "cuivres", mais il y a aussi l’accordéon qui est là. Au départ, en 1988, quand on va jouer dans les bars, il y a de la castagne parce qu’on joue de l’accordéon et que ce n’est pas assez rock. L’accordéon, c’est ringard ! (Ironique)

Et pourquoi mettez-vous de l’accordéon ?
Parce qu’à une répet’, un copain du premier guitariste avait un accordéon et qu’il n’en faisait rien. J’ai pris l’instrument et quinze jours après, j’en achetais un. Je faisais déjà de la guitare, mais quand j’ai chaussé le "biniou", je me suis dit : "Waouh, c’est ça !" Je suis parti à fond dedans. C’est une période où j’écoutais pas mal les chanteuses des années 1930 : Damia, Fréhel, Marianne Oswald… Mais ça a tout de suite été un accordéon rock’n’roll. Ginette, c’est un trois temps mais c’est un morceau de rock’n’roll, que j’ai quand même joué, avec Mick Jones, le gratteux des Clash, lors d’un concert de Rachid Taha. C’est quand même cool !

Têtes Raides 30 ans de Ginette (BMG) 2020

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