Barbara Pravi, valse féministe
Avec le titre Voilà, qui embrasse la chanson réaliste, Barbara Pravi tentera, ce 22 mai à Rotterdam, de mettre fin à la malédiction française à l'Eurovision. Au-delà du résultat, sa visibilité semble déjà lui assurer un rendez-vous avec l'avenir.
Elle dit, d'emblée : "C'est une espèce d'accélérateur incroyable. Ce qui se passe autour de moi, en France, est particulièrement chouette". Depuis le 30 janvier, date de son plébiscite par le jury et les téléspectateurs lors de la sélection nationale sur France 2, difficile de passer à côté de l'effervescence médiatique autour de Barbara Pravi et sa participation à l'Eurovision.
Elle est presque favorite même - juste derrière l'Italie - si l'on s'en tient aux prédictions des bookmakers et d'une partie de la presse étrangère. De cette position flatteuse sur la ligne de départ, elle rétorque: "Je m'en détache le plus possible, car tout est déjà pressurisant". Une réponse que l'on connaissait déjà, pour l'avoir trop entendue chez d'autres.
Se rappeler aussi qu'il y a pile dix ans, Amaury Vassili tenait la corde jusqu'à la veille de la finale avant de plonger dans les bas-fonds du classement (15e). Sort identique pour Bilal Hassani, pressenti dans le trio de tête en 2019 et qu'on finira par retrouver à la 16e place.
Igit, partenaire de création
Mais Barbara a déjà un lien fort et précieux avec le concours. N'est-ce pas elle aux manettes des deux dernières chansons de la version des juniors ? N'est-ce toujours pas elle en lice pour un doublé historique, six mois après avoir amené la petite Valentina à la victoire ?
À chaque fois, elle dégaine avec Igit (demi-finaliste de la troisième saison de The Voice, chouchou de Catherine Deneuve avec qui il a partagé le duo Noir et Blanc). "Un ami, on a les mêmes références musicales. Je commence à avoir un peu d'expérience dans ce métier. Je sais exactement à qui et pourquoi je demande. Igit et moi, on adore bosser ensemble pour les enfants. Lui est papa et j'ai une fibre artistique "Disney friendly" absolue. Pour Voilà, je savais que c'était lui, il y avait quelque chose de l'ordre de l'intuition".
On y vient à la chanson. Rétro, classique, intime, entêtante. Une supplique dans la tradition réaliste. La similitude avec le Padam Padam de la môme Piaf, appuyée sur le refrain galopant, n'aura échappé qu'à ceux en proie à des problèmes auditifs. "C'est le rythme de la valse qui entraîne ce mouvement à trois temps. On peut aussi penser aussi alors à la chanson de Jacques Brel, Au suivant. Après, j'entends beaucoup qu'on me compare à Piaf. C'est parce que, dans l'imaginaire collectif, je suis une femme, petite, brune, Je suis pourtant plus inspirée par Barbara, Brel, Aznavour".
Une vraie plume
Texte intime et d'abandon, éclair d'une vie traversée d'épreuves. "Mes mots sont précis. Si on regarde mon parcours ces six dernières années, la chanson est extrêmement claire. Elle signifie que j'accepte d'arriver devant un public avec mes forces et mes faiblesses, et que la musique me fait exister".
Barbara Pravi chante les élans de vie et les blessures de passé. Pour autres repères : Malamour et Chair, respectivement sur les violences conjugales et l'avortement. Deux titres isolés, publiés en 2019 et 2020 lors de la journée des droits des femmes. "C'est très instinctif, je ne pense pas vraiment aux raisons pour lesquelles je le fais. Ce qui est certain, c'est un besoin. Tout ce que j'écris, ça part d'une impulsion, d'un sentiment, d'un besoin de réparer les choses à l'intérieur de moi".
Celle qui a été révélée dans la plaisante comédie musicale Un été 44 en 2016, un an après sa signature chez Capitol, n'a pas hésité à faire du ménage auprès de ses collaborateurs suite à un premier EP éponyme à l'emballage pop passe-partout. "J'ai commencé en étant très mal entouré, des gens qui me connaissaient très mal et ne me donnaient pas confiance en moi. La musique que je faisais leur ressemblait plus qu'à moi. Quand j'ai enlevé les manteaux qu'on m'avait mis dessus, il ne restait plus que moi".
La jeune femme aux origines serbes (Pravi, nom d'emprunt soufflé par son grand-père paternel, se traduit par "authentique") et iraniennes, ne rechigne jamais à la jouer collectif, trempant sa plume pour Florent Pagny, Louane, Yannick Noah, Julie Zenatti, ou s'invitant sur le dernier album du fringant duo Terrenoire.
"C'est un autre aspect du métier, ça décentre complètement. Mon plan de carrière est d'allier les deux. Écrire pour les autres, cela te place ailleurs et offre la possibilité d'une générosité différente. Parce que là avec l'Eurovision, ça fait des mois que je bois, vis et dort Barbara Pravi".
Délivrera-t-elle Marie Myriam du fardeau qu'elle porte depuis quarante-quatre ans ? L'une des chansons de son album, à paraître en septembre, s'appelle L'homme et l'oiseau. Peut-être un signe.
Barbara Pravi Les prières (Capitol) 2021
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