Les Francofolies de la Rochelle maintiennent le cap
Programmation foisonnante et ouverte à tous les vents pour cette édition des retrouvailles qui va monter en puissance jusqu'au mercredi 14 juillet 2021. Retour sur le premier week-end traversé par les prestations marquantes de Miossec, Ben Mazué, Pomme, Magenta et Martin Luminet.
"Qu'est-ce que ça fait du bien ! Qu'est-ce que ça nous a manqué ! Qu'est-ce que vous nous avez manqué!". Peu importe qu'il vienne juste de se livrer à un massacre en règle d'une scie (Caruso), Claudio Capéo résume là le sentiment de délivrance qui habite autant les artistes programmés que les spectateurs présents en terre rochelaise. Comme une rentrée scolaire forcément attendue après de longues vacances contraintes et prolongées. Retour à la normale, alors ? Pas totalement. Il faut montrer patte blanche pour accéder à l'entrée de l'esplanade Saint-Jean d'Acre, lieu où se déploie la grande scène et sa jauge réduite à 5 000 spectateurs : un test PCR ou antigénique de moins de 48 heures (ce qui oblige à connaître la mécanique du coton-tige nasale à plusieurs reprises si on veut assister aux cinq jours du festival), un certificat de vaccination de plus de 14 jours ou un autre de rétablissement. Contrairement à la programmation en salle, aucune obligation de porter le masque en extérieur. Plus surprenant, même si minoritaire, le retour aux embrassades que s'accordent certains déraisonnables.
Martin Luminet, le bonheur aux Francofolies
Il y a des concerts d'ouverture qui s'écoulent sans faire des vagues. Il y en d'autres que l'on vit en espérant secrètement qu'ils resteront gravés dans nos esprits. Ce fut le cas, au théâtre Verdière, avec l'épatant Martin Luminet, dont le "spoken-word", sous couvert d'électro cinématographique, et l'écriture majuscule se sont enroulés autour des cœurs et des corps avec une farouche détermination. Rarement, on aura connu une entrée en matière aussi probante que scotchante. Salle entièrement conquise alors que le garçon n'a qu'un EP dans sa besace (Monstre) et un nom qui circulait encore frénétiquement dans les conversations le lendemain de son passage.
Ferveur aussi pour un Ben Mazué qui n'en finit plus d'agrandir la taille de son fan-club et de délivrer l'extrême-onction aux filles du premier rang. Des ferventes, des irréductibles. Ce guide d'une « randonnée imaginaire » s'illustre en fin joaillier des mots. Lucide, sensible, existentiel, vivace. Il encapsule des émotions et des sensations que beaucoup mettraient des plombes à réunir. Ou comment un petit cœur brisé donne envie d'être heureux pour la vie.
Du côté de la grande scène, les chansons insoumises de Noé Preszow auraient mérité meilleure affluence, la majorité du public arrivant notamment en masse pour la doublette Grand Corps Malade/Jean-Louis Aubert. Le premier continue de trimballer ses saillies slam bisounours (il aura néanmoins réussi à faire huer, avec son nouveau morceau Les gens beaux, le chroniqueur Fabien Lecoeuvre, coupable d'une violente attaque sur le physique de la chanteuse Hoshi) tandis que le second a déroulé en pilotage automatique un solide répertoire gravé dans l'inconscient collectif. Redoutable d'efficacité à défaut de surprenant (ça fait quand même des années que ses shows ont des allures de best-of).
Comme celle de la veille, la journée d'hier a démarré sur les chapeaux de roue. La faute à Miossec, subliment porté par l'aura magique de son quatuor de musiciens. Le Brestois est rock, et il le prouve une fois encore. Entre la célébration du 25e anniversaire de son disque culte Boire, revisité en intégralité, et quelques pioches dans sa discographie (La mélancolie, d'une puissance vertigineuse), il nous a laissés par terre, foudroyés. Un état second joliment prolongé par Magenta et son électro d'after à l'imprimé patchwork. Ne pas penser ici au boulevard ou à la célèbre bataille, mais aux gaillards de Fauve qui ont eu le courage de remettre leur titre en jeu en embrassant une nouvelle esthétique. C'est ravageur (le final Assez! et Monogramme, grandiose), hypnotiquement dansant, obsédant. Et le chanteur a (ré)inventé le charisme.
Pomme à coup sûr
Bien sûr, on a succombé à Pomme. Sa pureté, sa manière élégante de nager en eaux troubles, sa modernité classique, sa voix amie pour l'éternité, son émotion toujours gagnante. Bien sûr, on aurait aimé s'enthousiasmer à même hauteur pour Yseult, impressionnante interprète. En dépit de quelques fulgurances, on a fini par claquer d'une overdose de vibes et de monochromie (la formule piano-voix). Enfin, pas certain qu'on revoit de sitôt Vitaa et Slimane aux Francos. Non seulement, le duo-recordman des ventes d'album en 2020 est loin d'avoir fait le plein pour sa carte blanche (peut-être l'effet finale de championnat d'Europe de football), mais il a surtout mis les nerfs des organisateurs à rude épreuve en multipliant les caprices de diva : variété de fleurs, hôtel 5 étoiles, véhicule de luxe chacun... Et le spectacle, d'ailleurs ? Formaté, foutraque et insupportablement poseur.