Gauvain Sers a trouvé sa place

Gauvain Sers publie un nouvel album intitulé "Ta place dans ce monde". © Frank Loriou

Avec Les Oubliés (2019) Gauvain Sers rendait hommage aux laissés pour compte des campagnes françaises. Il revient avec Ta place dans ce monde, dans lequel il croque Paris, sa banlieue et ses habitants. Un troisième album social, pétri de poésie réaliste.

RFI Musique : Comment est née l’écriture de cet album ?
Gauvain Sers : Plus tôt que prévu. Comme j’étais confiné à Paris, je me suis réfugié dans l’écriture. Elle a été influencée par ce qui me manquait, comme les terrasses des cafés. Et, bien sûr, par ce que l’on vivait.

Notamment à travers la vie des éboueurs, les caissières ou les livreurs (En première ligne, Les gens de l’ombre) qui continuaient à travailler pendant ce confinement national…
Bien sûr ! Je ne pouvais pas ne pas en parler. On s’est rendu compte que les gens essentiels travaillaient dans les milieux les plus précaires. Le confinement a aussi été une remise en cause de certitudes. On s’est posé beaucoup de questions : est-ce qu’on vit au bon endroit ? Est-ce qu’on fait le bon métier ? D’où le titre de l’album. J’ai toujours eu beaucoup de respect et d’admiration pour les gens de l’ombre. D’ailleurs la chanson éponyme, je l’ai écrite avant la pandémie, par opposition à mon métier d’artiste où l’on est très exposé. J’essaie d’écrire sur le monde qui nous entoure sans tomber dans un discours moralisateur. Il y a toujours eu une portée sociale dans mes chansons mais j’essaie d’être plus dans la suggestion qu’avant.   

Vous chantez Paris et sa banlieue dans Le kiosque, Cité Thimonnier et bien sûr Les toits de Paris. Cette ville que vous y décrivez comme "un musée ouvert toute l’année" vous inspire ?
Bien sûr ! Avec Les toits de Paris, je voulais raconter quand j’y suis arrivé à 17 ans, de ma campagne profonde avec des étoiles plein la tête. C’est la ville de l’amour, une ville pleine de culture, qui fait rêver, même au sixième étage sans ascenseur quand on vit dans une petite chambre de bonne.

Cet album serait donc un peu le pendant citadin des Oubliés qui célébrait la ruralité ?
Inconsciemment c’est peut-être une façon d’équilibrer. On m’a beaucoup identifié comme défenseur de la campagne et je le suis. Je vis à Paris mais je vais dès que je peux en Creuse. J’aime l’équilibre entre la ville et la campagne.

Ta place dans le monde est réalisé par Renaud Letang, collaborateur d’Alain Souchon, Jane Birkin ou encore Manu Chao. Qu’apporte-t-il ? 
C’est la vraie évolution de ce disque ! Ce que j’aime beaucoup dans son travail c’est qu’il est à la fois moderne et intemporel. Personne ne dirait de l’album Clandestino de Manu Chao qu’il est daté. On est parti de ma voix et de la guitare et il a cherché comment embellir les chansons avec des claviers notamment et aussi des chœurs pour Sentiment étrange ou Les toits de Paris, ce à quoi je n’aurais jamais pensé !

 

De qui parle Elle était là ?
J’ai hésité à la mettre parce que j’y rends hommage à ma compagne. Une femme de l’ombre elle aussi, qui a toujours été présente pour moi. Je n’aurais jamais écrit autant ni eu la force de continuer sans elle dans les moments de doute et les difficultés.

Quelqu’un qui vous a également soutenu c’est Renaud, qui est un peu votre mentor, et dont vous avez fait la première partie près de 100 fois ! Que vous-a-t-il apporté ?
Beaucoup. Enfant, adolescent, il m’a donné le goût des belles chansons, inspirées de la vie de tous les jours, l’envie de faire de la poésie avec des mots simples. Quand, plus tard, je l’ai connu personnellement, il m’a appris la générosité en me faisant des retours sur mes chansons et en me proposant de faire ses premières parties. Contre vents et marées. Il m’a aussi appris l’humilité. Il est resté fidèle, cela me fait chaud au cœur. Je le remercie infiniment.

Dans Sentiment étrange vous faites référence à Lili de Pierre Perret, pour parler du racisme ordinaire. C’est aussi un artiste que vous admirez ?
Bien sûr ! Renaud, Alain Souchon, Pierre Perret ont fait des chansons sur des thèmes que d’autres n’abordaient pas. Je voulais parler du racisme en 2021, effectivement plus "ordinaire" qu’à l’époque de Lili. Il est encore plus difficile à déceler et à faire changer. Il y a tant de chemin à parcourir !

Que voulez-vous raconter avec ce nouvel album ?
Mon fantasme est de peindre le monde dans lequel on vit, faire à la fois des chansons qui soient comme des courts-métrages de la vie quotidienne, pour émouvoir et faire s’interroger. Tout en parlant aussi de choses personnelles, parfois avec humour, parfois avec émotion. Ce mélange contribue aussi au plaisir de jouer ce disque sur scène.

Gauvain Sers Ta place dans ce monde (Romance musique) 2021

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