Les Amours musicales de Nicoletta

La chanteuse Nicoletta sur la scène du Bataclan à Paris, novembre 2013. © Getty Images/David Wolff - Patrick

Nicoletta célèbre ses 50 ans de carrière avec Amours & pianos, un disque de reprises, épuré, avec pour seuls instruments le piano et parfois la trompette. Un écrin pour sa voix grave, teintée de sa passion pour les musiques noires américaines. La chanteuse nous a reçus chez elle, à Paris, pour en parler.

RFI Musique : Amours et Pianos paraît dans la collection, Parce que, qui promeut des "piano-voix, sans filet, sans protection". Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette proposition ?
Nicoletta : Il y a, depuis les années quatre-vingt, de plus en plus d’artifices autour de la musique et je pense que cela la dessert. Je voulais faire un disque pur, sans artifice, sur lequel figureraient uniquement la voix et le piano, et de temps en temps, évidemment, un invité.

Est-ce un exercice périlleux ?
Oh non, chanter, c’est mon métier quand même ! (Rires) Cela fait longtemps que je chante avec le piano et les choristes gospel dans les églises, qui remplacent l’instrumentation. C’est la même chose, c’est très pur. Mais pour ce faire, il faut des chansons qui ne soient pas seulement un leitmotiv, répété cinquante fois. J’ai eu cela avec Mamy Blue : (elle chante) Mamy Blue, Mamy Blue, Mamy Blue, etc. C’est une chanson leitmotiv, mais avec des couplets, qui racontent une histoire. Les chansons doivent raconter une histoire, comme un mini-film. Elles doivent toucher les gens.  

Qu’apportent ces nouveaux arrangements à vos chansons ?
Un piano, c’est un instrument avec lequel on peut tout faire, c’est magnifique. Mais pour cela, il faut de bonnes chansons, des chansons avec de belles harmonies.  

Le disque s’ouvre sur Il est mort le soleil avec Marina Kaye. Pourquoi lui avoir proposé ce duo ?
Elle a un talent formidable ! C’est la première fois qu’elle chante en français. Je trouve que nos deux voix vont très bien ensemble.

 

Ray Charles, qui avait repris Il est mort le soleil, disait que vous étiez la "seule Blanche à avoir une voix de Noire".  Qu’est-ce qui a irrésistiblement attiré la petite Savoyarde que vous étiez vers le blues, le jazz, le gospel ?
Je viens d’une génération qui a découvert cette musique dans les années soixante. Avant, il n’y avait pas de disques importés en France. Mais étant donné que je suis frontalière suisse, dès la fin des années cinquante, j’ai aimé les disques internationaux. On partait à Genève, en car, avec les copines, écouter les nouveautés dans les rayons culture des grands magasins. Alors, évidemment, ce qu’on aimait, c’était Ray Charles, Ella Fitzgerald, Elvis Presley, Etta James, Bill Haley et tant d’autres ! Et le gospel. Je l’ai découvert très tôt, quand j’avais quinze ans, avec Mahalia Jackson qui a une voix incomparable ! Des voix comme la sienne, cela transporte et donne le goût de la musique noire américaine. J’emmenais mes disques américains dans toutes les boums où j’allais, j’écrivais "Nicole" dessus. (Elle sourit). On était très fiers de nos collections de disques.  

On retrouve Mamy Blue. Cinquante ans après, comment expliquez-vous son succès persistant ?
Une bonne chanson, c’est une chanson qui dure dans le temps. Charles Trenet a fait des chansons extraordinaires comme La Mer. Aznavour est aussi intemporel. Ils savaient comment raconter une histoire, l’importance des mélodies. J’ai été guidé par eux… Brel, Ferré, Nougaro ou Nino Ferrer, ils étaient guidés par l’amour de la chanson.

Vous reprenez Où es-tu passé mon Saint-Germain-des-Prés en duo avec le trompettiste Eric Truffaz. Êtes-vous nostalgique de cette période ?
Oh oui. Je vivais à Saint-Germain, je suis triste quand j’y vais…

Mais le jazz vit encore. Éric Trufffaz est l’un des trompettistes les plus brillants de notre époque…
Il est tellement extraordinaire. Pour moi après Miles Davis, il y a Éric, c’est dire ! J’ai été très flattée qu’il accepte de venir jouer avec moi et le résultat est extraordinaire. On a l’impression qu’il phrase comme moi lorsqu’il joue. La façon dont il répond à ma voix est formidable…Et j’aime la liberté apportée par l’improvisation dans le jazz.  

Il y a également une chanson inédite. Mon Jésus-Christ. C’est un blues écrit par Carla Bruni. Comment s’est passée cette collaboration inattendue ?
On est voisines, je la connais depuis dix ans. Elle est charmante, très amène et elle m’avait proposé une chanson. Alors, j’ai pensé à lui demander un titre pour ce disque, cela me semblait une bonne surprise. C’est une chanson très facétieuse : l’histoire d’une fille de vingt ans, qui rencontre son Jésus-Christ à Jérusalem !

Vous avez été l’une des pionnières du gospel en France. Cela fait trente ans que vous vous produisez chaque année, en français et en anglais, dans des églises et des cathédrales. Qu’apporte cette pratique à votre musique ?
Les gens écoutent mieux le texte lorsqu’il n’y a que la voix, le piano et le chœur. Dans une église, le public écoute religieusement, c’est le cas de le dire (Rires). L’attitude est aussi différente du music-hall, on laisse tomber l’artifice. Ces lieux sont des écrins avec une dimension sacrée très importante. Cela donne envie de chanter du mieux possible. J’ai commencé à chanter quand j’avais huit ans, dans la chorale de ma paroisse. J’aime retrouver cette façon de chanter. Je retrouve mon âme d’enfant, c’est presque intimidant.

Mon seul refuge y prend-t-elle une dimension mystique ?  
C’est vrai qu’elle peut très bien s’adresser à Dieu et que c’est plutôt cette direction qu’elle prend lorsque je l’interprète dans les églises. Mais c’est différent dans les salles de concert avec les orchestrations. Comme quoi il y a vraiment des chansons à clés !

Quelles sont vos envies aujourd’hui ?
Je prépare un disque de soul music. La soul, c’est l’âme ! Je vais demander à des personnes bien précises, qui connaissent très bien cette musicalité, comme Paul Personne ou Gaëtan Roussel de m’écrire des chansons pour ce disque. J’ai encore plein de choses à dire !

Nicoletta Amours & pianos (Pias) 2021

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