Marc Lavoine sur des chemins balisés
Marc Lavoine, désormais solidement installé dans le fauteuil de coach du télécrochet français The Voice et habile à se promener au sein d'autres disciplines, s'accroche à sa zone de confort sur Adulte jamais, nouvel album rassurant et à la production classique.
"La vie est si belle quand elle veut/Quand elle veut, elle ressemble à Dieu/Attends, attends-moi/Tiens-moi la main/Ne monte pas dans ce train/Viens dans mes bras, le temps d'un câlin/Reste avec moi ce soir... ". Du Marc Lavoine pur-jus, tout en continuité, catapultant Le train sur les rails de son quatorzième album. Sur ce morceau à l'efficacité évidente, un romantisme à gondoles - accentué dans le clip partagé avec l'actrice Virginie Ledoyen - , un refrain pop calibré et fredonnant à souhait, et bien sûr l'habituelle voix grave, tendance chanteur de charme.
Adulte jamais est le titre de disque, clin d’œil à Pier Paolo Pasolini, dont la pochette convoque l'adolescence et exploite la nostalgie des albums photo. La précédente livraison, Je reviens à toi en 2018, n'avait pas vraiment mis le feu au lac : un seul single envoyé en radio et 70 000 exemplaires écoulés, ce qui n'avait pas empêché le bientôt sexagénaire aux yeux revolvers de partir de nouveau à l'assaut des Zénith puis d'enchaîner avec la formule plus intime du piano-voix.
Marc Lavoine, artiste "multiste" selon la formule si chère à CharlElie Couture, slalome à intervalles irréguliers entre présence sur les écrans des salles obscures (Le cœur des hommes, son rôle le plus marquant) et ceux du tube cathodique, auteur-interprète d'un conte musical (Les souliers rouges avec Cœur de Pirate et Arthur H), romancier à succès (L'homme qui ment, inspiré de son enfance). Il est aussi le coach humain et émotif de The Voice, émission à laquelle il va participer pour la troisième année consécutive.
Sa trajectoire embrasse donc un permanent pas de côté, mais reste finalement très cadrée ces dernières années dès qu'il s'agit d'enfiler la panoplie du chanteur. Adulte jamais, c'est l'assurance d'une variation à l'humeur mélancolique autour de l'amour et d'une variété qui ne prétend pas à autre chose.
Ne pas s'attendre ici au Lavoine parfois sociétal, celui de C'est ça la France ou Le monde est tellement con. Le cœur et ses résonances s'invitent presque sans relâche dans des chansons géographiques (Manhattan) ou promises à la victoire des bons sentiments (Le long de toi, Mon rêve en personne, Les nuages blancs).
Malgré une nouvelle garde rapprochée, Darko identifié comme guitariste de Julien Doré et Johan Czerneski du groupe de rock hybride A24-13, cette traversée se fait en chemins balisés. Il manque des reliefs, des coins, des angles pour que la rime banale (voire même indigne sur Badminton, morceau hors-jeu) et la sensation de déjà entendu ne l'emportent pas trop souvent.
Il y a enfin chez ce fils de parents militants communistes, la récurrence du duo (parmi ses principaux faits de gloire, Qu'est-ce que t'es belle, Chère amie et J'ai tout oublié, avec respectivement Catherine Ringer, Françoise Hardy et Cristina Marocco). Sans surprise, il ne déroge pas à ses habitudes discographiques en conviant cette fois-ci au banquet Virginie Ledoyen (Jusqu'à ce que l'amour nous sépare, oubliable) et un Grand Corps Malade habitué lui aussi à l'exercice (Adulte jamais). Et là, les plumes croisées des deux hommes donnent une belle épaisseur à la nostalgie de la jeunesse.
Marc Lavoine Adulte jamais (Universal Music) 2022
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