Symphonique Chamfort
Alain Chamfort signe Symphonique dandy, un album de reprises que le chanteur compositeur a enregistré avec l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie et qu’il joue en tournée. Un projet qui renouvelle somptueusement ses succès et permet de découvrir des petits bijoux. Rencontre avec un grand musicien.
RFI Musique : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’offrir un écrin symphonique à ces chansons ?
Alain Chamfort : L’idée provient de Valérie Chevalier, qui dirige l’Orchestre national de Montpellier. J’ai tout de suite été très séduit. On a travaillé une année avec Nobuyuki Nakajima (musicien, arrangeur et compositeur japonais, ndlr) pour choisir les chansons qui s’y prêtaient, l’inspiraient le mieux, et en faire les orchestrations. Cette démarche amplifie la charge émotionnelle des chansons, tout en accompagnant le texte. L’interprétation est aussi modifiée par l’orchestration qui m’accompagne.
Pour le garçon d’origine modeste, auquel ses parents avaient loué un piano pour apprendre la musique, est-ce un rêve que de jouer avec un orchestre classique ?
Totalement. Mais je n’osais même pas y penser ! On a déjà fait deux représentations à Montpellier, dont la captation que l’on trouve sur le DVD, et pendant que je chantais je réalisais ce que je vivais (Sourire) et j’étais un peu submergé ! Il fallait que je me contrôle, car j’étais traversé par des bouffées d’émotion. Pour un chanteur de variété comme moi, c’est unique et magnifique.
N’est-ce pas aussi la possibilité de désacraliser la musique classique ?
Absolument. Quand on jouait à Montpellier, il me semblait qu’une partie du public était venue parce qu’elle m’aimait bien et l’autre parce qu’elle aimait bien l’Orchestre ! (Rires) Quant aux musiciens, pour eux, c’est certainement plus simple d’interpréter des arrangements populaires, mais ils le font avec professionnalisme.
Avez-vous composé de la musique classique ?
Non, mais j’ai une formation classique, donc je respecte certaines formes. Certaines de mes chansons sont plus classiques que d’autres. J’ai aussi écouté beaucoup de jazz, de pop anglo-saxonne, de musiques de film, de musique brésilienne… Mes compositions sont la fusion de toutes les musiques que j’ai aimées.
Quelle a été votre formation musicale justement ?
J’ai appris le piano. J’avais environ douze ans quand on m’a mis entre les mains d’un grand professeur pour m’aider à préparer l’œuvre d’entrée au Conservatoire. J’étais d’origine assez modeste et jusqu’alors mes professeurs aussi. D’un coup, je pénétrais dans un monde bourgeois, dans un appartement luxueux avec des élèves très bourgeois eux aussi. Je manquais d’air, ce n’était pas mes origines sociales ; j’ai écarté la possibilité d’entrer au Conservatoire. C’est dommage peut-être...
Vous composez vos chansons, en êtes-vous l’arrangeur ?
C’est un travail qui m’a beaucoup plu et qui a évolué avec les années. Quand j’étais sous le label de Claude François, je créais mes musiques et les confiais à des orchestrateurs à succès comme Jean-Claude Petit, qui travaillait pour Johnny Hallyday, Michel Sardou, Sylvie Vartan, etc. Puis j’ai fait un disque aux États-Unis : j’avais réuni des musiciens auxquels j’avais donné les harmonies dont ils proposaient leurs versions. Pour l’album suivant, le synthétiseur est arrivé. Poses sur lequel figure Manureva a été mon premier album avec synthétiseur. Je prenais une boîte à rythmes, j’enregistrais un tempo, je jouais les parties et ensuite, des musiciens remplaçaient les parties programmées et construites au synthétiseur. Plus tard, il y a eu un instrument qui s’appelait le fair light et qui permettait de reproduire tous les instruments de façon virtuelle ! J’ai fait Secrets glacés (1983) avec cette machine, dans un studio en Angleterre. Ensuite, il est devenu possible de programmer chez soi avec des instruments virtuels, très proches d’instruments réels que l’on pouvait arranger soi-même. Plus tard, on a mélangé travail d’ordinateur avec musiciens réels. J’ai renoué ensuite avec les musiciens en studio pour Le Plaisir (2004). Aujourd’hui, j’ai fait le tour de mes capacités d’arrangeur, c’est encore une nouvelle approche : je m’associe à des gens qui font "du son", je leur transmets mes musiques, ils me les retournent avec leur savoir-faire qui m’échappe totalement. Et on dialogue ensemble.
Ici, vous êtes entouré de 51 musiciens. Vous sentez-vous un élément parmi d’autres ?
Oh, mais j’ai travaillé avec Nobuyuki Nikajima sur les orchestrations avec des instruments virtuels dans un premier temps ! Le son n’est évidemment pas le même que celui des musiciens, mais cela m’a déjà permis d’installer ma vision personnelle. On leur a ensuite donné les partitions. Là, on entre dans une autre dimension, tout est amplifié et magnifié. Nobuyuki est plein de subtilité. Le résultat n’est pas grandiloquent. Et c’est approprié à ma voix.
Dans quelle mesure ce disque vous a permis de recomposer certaines chansons ?
Je devais le faire, sinon cela n’aurait pas été jouissif ni intéressant. Certaines nous le permettaient et sont ici très différentes comme La fièvre dans le sang, Bambou ou Manureva, plus subtiles et célestes grâce à l’orchestre.
Noboyuki Nakajima a collaboré avec Jane Birkin pour son disque symphonique en hommage à Gainsbourg. Le fait que vous ayez un peu le même timbre qu’elle a-t-il influencé votre choix ?
Totalement ! Pour des gens comme Jane et moi, aux registres vocaux fragiles, le risque d’être submergé par l’orchestre est très grand. Nobuyuki prend cela en compte subtilement, en jouant sur l’alternance entre les instruments et l’interprète. Personne ne gêne personne, il y a une symbiose.
Ce disque permet-il de donner une nouvelle vie à des chansons passées inaperçues ?
J’y tiens beaucoup. Un tour de chant c’est un astucieux mélange. Il faut faire plaisir aux gens avec des chansons qu’ils ont aimées et qu’ils veulent retrouver, c’est normal. C’est aussi l’occasion d’en faire découvrir, qui complètent le portrait qu’ils peuvent se faire de moi. C’est important qu’ils accèdent à J’entends tout, En regardant la mer ou Le désordre des choses. Toutes ont trouvé leur place comme les pièces d’un puzzle.
► À écouter aussi sur RFI : le Rendez-vous Culture "Alain Chamfort, un dandy en version symphonique"
Alain Chamfort Symphonique dandy (Tesland) 2022
En concert au Gran Rex à Paris le 23 mars 2022
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