Le Printemps de Bourges respire à nouveau

Clara Luciani, sur la scène du Printemps de Bourges, le 21 avril 2022. © Edmond Sadaka / RFI

Après deux années pratiquement taiseuses liées à la crise sanitaire, le Printemps de Bourges est reparti à l'assaut dans sa configuration classique. Une 46e édition dans laquelle noms attendus et relève, dont l'indispensable dispositif des Inouïs, se sont mêlé à des créations au rendu inégal.

"On a vraiment respiré", clame Boris Vedel, le directeur du festival, qui regarde désormais droit devant et préfère oublier le souvenir traumatisé des deux dernières éditions. Pas de masques, pas de jauges réduites, pas de formats hybrides, pas de conversations inhérentes au Covid.

Retour donc à l'embellie, météo comprise, pour le rendez-vous phare de la saison. Si aucun chiffre officiel n'a été avancé quant à sa fréquentation, le Printemps de Bourges a pu cultiver ses boutures à sa guise, fidèle à son credo, en l'occurrence un panaché entre pointures, créations, découvertes et émergences. "Il faut qu'ça bouge/Il faut qu'ça tremble/Il faut qu'ça transpire encore/Dans le bordel des bar le soir/ Débraillés dans le noir/Il faudra réapprendre à boire/Il faudra respirer encore". Le refrain, jeudi soir, du morceau final de Clara Luciani a plus que jamais traduit cette reprise à la jubilation ambiante.

Celle qui est actuellement la power girl de la chanson française a tenu son rang avec excellence. Difficile, d'ailleurs, de se frayer ce soir-là une place dans le chapiteau W bourré à craquer (comme la veille, avec notamment Vianney et Juliette Armanet). Espace vital réduit, mais public chaviré par ce shot d'énergie fédératrice et de chansons contagieuses. Devant une structure gonflable dans laquelle est inscrit son nom, la récente artiste féminine de l'année aux Victoires de la musique laisse entrevoir sa belle profondeur de chant et déroule un répertoire déjà autant évident que sacrément costaud : en tête, La grenade, tube de la consécration et dégoupillé dans une liesse générale.

Un concert aux allures de conquête, précédé par celui d'un Eddy de Pretto pour qui l'engouement initial semble être légèrement retombé (À tous les bâtards, son deuxième album, seulement Disque d'or). Au sein d'une formation musicale nettement plus étendue que lors la précédente tournée - juste un iPhone et une batterie - le Kid de Créteil a montré cependant des velléités chantantes et chaleureuses qu'on ne lui prêtait pas forcément auparavant.

Que retenir pour le reste de cette deuxième partie de festival ? Sans conteste la belle échappée délicate de November Ultra, adoubée par Madonna sur TikTok et dont le premier album est sorti il y a deux semaines, dans l'écrin classieux du théâtre Jacques-Cœur. Une émotion tendre et sincère surgit des morceaux distillés à la guitare ou sur un mini-clavier par cette Hispano-Française. De l'anglais, en grande majorité. De l'humour au naturel confondant pendant les intermèdes. Et une voix absolument divine, proche d'Adèle, qui met tout le monde d'accord. L'une des plus belles caresses du moment.
 

© Edmond Sadaka / RFI
La chanteuse November Ultra, sur la scène du Printemps de Bourges, le 22 avril 2022.

 

 

Les lendemains risquent aussi de chanter pour Rouquine et Kalika. Le premier, duo rescapé du groupe Babel, fait brillamment le pont entre séduction immédiate et intelligence du propos (Mortel, titre qui porte parfaitement son nom à tout point de vue). La seconde, véritable électron en liberté et tornade scénique, a montré de sérieux atouts pour devenir la nouvelle souveraine du désordre. Une machine de guerre, aux textes crus et frontaux, d'une rare puissance.

Il ne faut pas faire l'impasse, non plus, sur la probante remise en selle de Florent Marchet, huit ans après sa dernière livraison Bambi Galaxy. Seul au piano et sans un gramme de plomb, l'enfant du pays égrène un inventaire de chansons au magnifique recul narratif et tact littéraire (parmi elles la sublime De justesse, annonciatrice d'un album prévu pour juin).

Excitante sur le papier, la création offerte par Pomme et Safia Nolin autour de l’œuvre de Céline Dion n'a de son côté pas tenu ses promesses. Si le spectacle des deux jeunes femmes qui se sont mariées récemment a tant déconcerté, c'est parce qu'il était agencé sur le sévère principe du ton sur ton. Trop longue mis en place à base d'archives audio, trop d'approximations (notamment chez la Québécoise, par ailleurs en délicatesse vocalement), trop d'effets ratés (le vocodeur sur Pour que tu m'aimes encore), trop de distance vis-à-vis du public. Au final, une monochromie qui vire à l'ennui.

Tout le contraire de la soirée Qu'est-ce qu'on attend ! où d'anciens sélectionnés par le réseau de découvertes des Inouïs se sont emparés, sous la direction du saxophoniste Adrien Soleiman, de chansons dites engagées. Comme un symbole, quarante-huit heures avant le second tour de la présidentielle. Entre la révélation du duo YN, à suivre de très près, et Terrenoire d'une incarnation implacable sur Le chant des partisans, nous avions là une belle force de frappe.  

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