Isabelle Boulay chante Alain Bashung

La chanteuse québécoise Isabelle Boulay. © Max Abadian

La chanteuse québécoise Isabelle Boulay lâche Les chevaux du plaisir (Boulay chante Bashung). Un nouvel album sur lequel elle s’empare avec rock et brio de chansons, célèbres ou plus confidentielles, du chanteur alsacien, mort en 2009. Une réussite.

RFI Musique : Comment aviez-vous découvert la musique d’Alain Bashung ?
Isabelle Boulay
: Le grand coup de foudre, c’était au début des années 1990 ! À l’époque, je regardais beaucoup les chaînes de vidéo-clip. Je me souviens de la première fois que j’ai vu le clip d’Osez Joséphine, j’ai été happé par son texte et sa fantasmagorie. C’était de la très haute voltige ! J’aimais beaucoup les autres rockers français : FFF, Téléphone, Indochine et aussi les Berurier Noir qui sont plus punks. Pour moi, Bashung était perché sur la plus haute branche. Ses propositions étaient nettes et fortes. Et il était comme enveloppé d’une aura de mystère que je n’ai jamais cherché à résoudre. D’ailleurs, j’ai plusieurs biographies sur lui, mais je ne les ai jamais lues jusqu’au bout, pour garder ce mystère.  

Ce disque est inattendu, car vous êtes plus associée à la variété qu’à la musique punk ! Les chevaux du plaisir correspondent-t-ils à une envie de casser un peu votre image ?
Sans vouloir casser mon image, je me perçois beaucoup plus comme une interprète réaliste qu’une chanteuse de variété. Je me sens plus proche de Juliette Greco que de Dalida, même si j’aime beaucoup Dalida. Je suis heureuse d’être une chanteuse populaire, mais j’ai autre chose à proposer. Cela correspond à ma volonté de montrer ma vraie nature. Ado, j’écoutais autant de grandes chansons françaises et québécoises que du punk, du rap et du rock. J’ai aussi écouté beaucoup de country. Pour moi, cet album, c’est une embellie. Cette veine rock était présente chez moi, mais n’avait jamais été mise en avant.

Madame rêve, Osez Joséphine sont des chansons sensuelles, voire érotiques. Elles ont été écrites par un homme et chantées par un homme. Comment les chante-t-on lorsqu’on est une femme ?
Si on enlève l’apriori, c’est très facile. Madame rêve, je ne pensais jamais oser l’interpréter. C’est grâce à l’insistance de Claude Larrivée que j’ai fini par l’enregistrer. Je m’y suis glissée comme dans des draps soyeux. Quand je chante, je ne suis ni homme ni femme. Les paroles sont très charnelles, explicites, mais jamais vulgaires. Il y avait aussi une grande part de féminité chez lui et il y a une grande part de virilité chez moi. Certaines natures artistiques ont ces deux pôles, il faut sortir de l’idée d’être l’un ou l’autre pour être tout à la fois.   

Qu’est-ce qui vous séduit dans l’univers Bashung ?
L’énigme et le mystère. C’était quelqu’un d’assez élitiste, son côté antistar aussi. C’est l’une des plus grandes figures de la chanson française même si c’était quelqu’un de discret.

Comment avez-vous enregistré cet album ?
On est entrés en studio au mois d’octobre avec mon guitariste français, deux guitaristes de Los Angeles et un batteur formidable. Je pensais faire péniblement trois chansons et en fait, on en a enregistré onze en six jours ! (Rires) Pour moi, c’était comme l’Everest : je pensais que j’allais manquer de souffle et au contraire, je n’ai jamais eu autant de plaisir et de facilité à faire quelque chose qui me semblait si difficile ! Ce disque était tellement imprévu aussi que je me dis que quelqu’un tire peut-être les ficelles là-haut…

Quelle est la réception d’Alain Bashung au Québec ?
Il y remplissait les salles, sa venue était le grand évènement ! Il était aimé du public québécois. C’est un artiste extrêmement respecté. Les journalistes spécialistes du rock français au Québec le portent en très haute estime. Je savais donc qu’on allait m’attendre au tournant, mais ça ne m’effrayait pas tellement. Je suis intransigeante avec moi et maintenant, fière de ce que j’ai fait. J’espère amener les gens qui le connaissent un peu moins à tendre l’oreille pour l’écouter. 

Justement, quelles ont été les réactions de ses proches, notamment de Jean Fauque qui a écrit la plupart des chansons d’Alain Bashung et qui en a aussi écrit pour vous ?
Quand je lui ai envoyé le mixage final du disque avant Noël, il m’a écrit que chaque morceau le ravissait, que c’était comme un cadeau et qu’il aimerait tellement que son pote Alain soit avec lui pour l’entendre ! Chloé Mons (la chanteuse est la veuve d’Alain Bashung, ndlr.) m’a écrit : "Je sais qu'Alain aime". Cela m’a beaucoup touchée.

Est-ce que vous allez défendre cet album sur scène ?
Absolument ! Dans mon spectacle actuel, il y a déjà six titres de l’album. Aux prochaines Francophonies de Montréal, je ferai l’intégrale et je n’exclus pas de faire une tournée en 2024 avec exclusivement des chansons de Bashung !

Isabelle Boulay, Les chevaux du plaisir (Boulay chante Bashung), (Columbia) 2023
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