Les Pays des merveilles de Christophe Maé

Christophe Maé, en novembre 2019. © Toni Anne Barson/FilmMagic/ Getty Images

Après La vie d’artiste (2019) Christophe Maé sort C’est drôle la vie. Un album intime qui aborde des thèmes universels, marqué par des collaborations solaires avec des artistes d’Afrique et du Cap-Vert.

RFI Musique : Comment avez-vous rencontré la Cap-verdienne Ceuzany qui interprète Pays des merveilles avec vous ?
Christophe Maé : Cette rencontre est le fil rouge de la couleur musicale de l’album. J’étais chez moi, dans le Sud de la France. J’écoutais un mix de Cesária Évora sur lequel j’ai entendu la voix de Ceuzani. Elle m’a hantée. Le producteur de Cesária Évora m’a suggéré de venir la voir et je suis allé au Cap-Vert. Je l’ai rencontrée sur l’île de São Vicente et ça a matché immédiatement ! Je suis resté trois semaines. On a enregistré dans un petit studio de São Vicente, le studio de Cesária Évora ! Ceuzany m’a aussi présenté un groupe de batucadeiras, huit femmes percussionnistes incroyables. J’embarque tout ce monde avec moi en tournée, en septembre ! Je suis tellement heureux de faire découvrir ça !

Il y a aussi C’est drôle la vie en duo avec la Béninoise Angélique Kidjo. Vous la connaissiez ?
Pas du tout, mais mon guitariste, qui est togolais, Amen Viana, travaille avec elle depuis des années. Il m’a suggéré de l’appeler pour cette chanson. Elle était à New York, en studio, elle a dit oui et le soir même, elle l’a enregistrée ! Il s’est passé quelque chose de très fluide et de très naturel pour ce disque. J’ai sollicité quatre personnes, les quatre ont dit oui et on a pris un plaisir fou à collaborer. J’ai le sentiment que la magie opère avec leurs voix et leurs univers.

Justement, vous célébrez L’amour sur un titre éponyme dansant avec les Maliens Amadou et Mariam. Pourquoi eux ?
Parce qu’ils incarnent l’amour ! Cela fait 40 ans qu’ils sont bras dessus bras dessous. Cette mélodie a la couleur de leur musique, une fausse naïveté, pleine de force. J’aime beaucoup leur musique, je reprenais Je pense à toi il y a une vingtaine d’années dans les pianos-bar ! En plus, ce sont des amours, et c’est aussi très important.

Vos musiques sont souvent empreintes d’afro-reggae. Est-ce l’influence de chanteurs que vous écoutiez jeune ?
J’ai grandi en écoutant Bob Marley. Je ne comprenais pas un mot de ce qu’il racontait, mais il y avait de l’espoir dans sa voix et une ritournelle, très hypnotique. Je relevais ses accords à l’oreille, c’était accessible pour un autodidacte comme moi. Stevie Wonder m’a aussi fasciné. Découvrir Songs in the Key of Fly, à quinze ans, a été une révélation ! Je me suis mis à l’harmonica pour faire comme lui !

 

Angélique Kidjo, Amadou et Mariam, mais aussi Youssou N’Dour sur votre précédent disque. Qu’est-ce que vous admirez chez les chanteurs du continent africain ?
C’est qu’au-delà de leur voix et de leur musicalité, ce sont des messagers qui parlent de paix et de tolérance. Ils font le pont entre l’Afrique et l’Occident. Et musicalement, il y a une syncope dans cette musique que j’aime beaucoup ; le temps fort est sur le deuxième temps, pas sur le premier comme en occident. Avec cette musique, je suis en l’air, pas dans le sol ! J’ai toujours été attiré par les musiques afro-caribéennes. Après : attention !, c'est une orientation ; je fais cette musique grâce aux musiciens, pour la plupart africains, qui m’entourent. Ce sont des gens qui jouent tous les styles ; dès que je leur dis : "emmène-moi un peu chez toi", ils le font, ça fait du bien, c’est solaire. J’aime l’Afrique. Comme au Cap-Vert, ce qui prend le dessus, c’est la faculté d’aller à l’essentiel : un repas en famille, une guitare et le partage. Je trouve ça tellement beau, ça me touche énormément.   

En parlant d’émotion, sur Les Bougies, vous évoquez votre adolescence et vos rêves "fragiles comme la porcelaine". Craignez-vous que cela s’arrête ?
De moins en moins et j’y pense de moins en moins parce que ça m’a traversé l’esprit quand est arrivé le succès de mon premier album. Je suis fils d’artisans. J’ai vu mon père, pâtissier, se remettre en question toute sa vie, notamment en allant faire des stages à Paris chez les grands pâtissiers. Il m’a transmis ce souci de bien faire mon travail. Et de prendre du plaisir, car je suis persuadé que si je prends du plaisir, les gens en prendront. Quand je passe dix heures dans mon studio, je n’ai pas l’impression de travailler. C’est un grand privilège de vivre de sa passion. 

Ce titre, à l’instar de Trop jeune ou Comme avant, est très autobiographique…
Quand on est dans l’intimité, on touche à l’universalité. J’approche de la cinquantaine, mes gamins dans une main, mes parents dans l’autre. Je prends conscience que rien n’est éternel.

Christophe Maé C’est drôle la vie (Parlophone) 2023

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