Nawel Dombrowsky met les femmes à la cuisine
La comédienne Nawel Dombrowsky entre en musique avec Les femmes à la cuisine. Un premier album mutin et féministe, dans la veine de la chanson réaliste.
Ses origines sont kabyles et polonaises, c’est pourtant du côté de la chanson française réaliste que semble avoir été attirée la comédienne Nawel Dombrowsky pour son premier disque : Les femmes à la cuisine. Un titre désuet et provocant qu’il faut entendre à double sens. Ce que la chanteuse prône dans la chanson éponyme, c’est l’émancipation féminine, à travers l’histoire d’une femme qui, lasse de ne pas être entendue, concocte un mystérieux "soufflé", une bombe, destinée à l’aider à braquer une banque.
Les chansons sont acides et féministes, à l’instar de L’Instinct maternel, qui commence comme une douce berceuse au piano avant de révéler des désirs brûlants d’infanticide et de suicide… "Dites-moi quel idiot, quelle tête perfide, quel mâle infatué (…) a osé inventer ce concept immortel qu’on appelle l’instinct maternel ?" chante Nawel Dombrowsky, en se mettant dans la peau d’une mère de famille exténuée par des nuits sans sommeil liées à son bébé…
Accompagnée d’un piano, elle s’y énerve et s’amuse beaucoup. Tout comme sur le grivois Le Défilé, dont l’action se situe dans "Le Bordel du lapin rouge", une maison close destinée aux femmes. Mutine, Nawel Dombrowsky joue une cliente, qui cherche l’homme au membre idéal pour combler son addiction. Bébère la brute, portrait d’un "tendre qui s’ignore" et traîne partout "son groin de filou dans les mauvais coups", évoque, par son tragique et son prosaïsme, les chansons de Damia et Fréhel.
Elles sont ainsi ces chansons de Nawel Dombrowsky. Efficaces et pleines de cette poésie urbaine caractéristique de la chanson réaliste, dont relève cet album, enregistré au Forum Léo-Ferré avec peu d’instruments –piano, contrebasse et accordéon pour l’essentiel.
La chanson réaliste sied bien à cette comédienne dont les chansons rappellent aussi celles de Barbara (dont elle cite la chanson Mon Enfance dans Mon père féministe) et Édith Piaf. Elles ont toutes été concoctées, paroles et musiques, par le romanesque Yanowski et ciselées par Nawel Dombrowsky.
Les femmes à la cuisine, c’est aussi un disque politique avec La bataille de l’Ebre, qui rend hommage aux anciens combattants de la Guerre d’Espagne, des oubliés "ressurgis des ténèbres" qu’elle chante, accompagnée d’un accordéon. L’exil d’enfants devenus grands sur Le Départ. De la mélancolie qui évoque Georges Brassens, à l’égard des rêves déchus des inconnus (Les Passants). Ou encore une nostalgie qui s’exprime sur C’est un peu ça l’enfance, sorte d’inventaire à la Prévert de ce qui constitue une enfance. "Une nasse de billes qu’irise un peu le temps, et qu’on tient dans sa main comme un précieux trésor. Une écharde qui pleure à l’endroit du genou/ La lampe du présent comme seule aventure", dans un style qui rappelle cette fois Léo Ferré.
Les treize chansons du premier album de celle qui assure des premières parties de Juliette, Maxime Le Forestier et Arthur H révèlent une artiste éclectique, mutine et subversive, qui ne cherche pas à être à la mode. D’un total atypisme.
Nawel Dombrowsky Les femmes à la cuisine (EPM) 2023
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