Le petit air de Mathieu Boogaerts

Mathieu Boogaerts. © Thibault Montama

Il a célébré ses vingt ans de carrière l’an passé. Mathieu Boogaerts publie Promeneur, un septième disque avec lequel il continue, mine de rien, sa balade dans l’existence. S’il aimerait toucher le grand public, le chanteur apparu au milieu des années 90 n’en a pas moins gagné une place au soleil de la chanson française. C’est un homme heureux qui parle de son artisanat avec un regard lucide et passionné.

Mathieu Boogaerts évoque un de ses morceaux et au détour d’une phrase, saute du coq à l’âne. "Vous savez, je peux passer 25 heures à parler de mes chansons, j’adore ça ! Parce que je mets énormément de temps à les écrire et j’aime beaucoup l’idée que des gens les écoutent." L’aparté dans cette conversation est tout simple, mais il en dit beaucoup sur ce garçon. Pour lui, l’écriture et la composition de chansons ont leur rythme, qu’il retrouve au fil de temps.

"Le premier truc qui vient n’est pas du tout quelque chose que je cherche. Ça peut venir un matin, dans un train, dans une loge, développe-t-il. Je commence à tourner autour d’une expression et j’accumule plein de petits croquis qui ne demandent qu’à être développés ensuite. Pour développer ces croquis, je pars toujours à l’étranger. La seule chose dont j’ai vraiment besoin, c’est d’être seul, concentré, et de n’avoir aucun autre engagement que celui de travailler. Mais que je sois à Ouagadougou, à Calais, ou ailleurs, in fine, la chanson sera toujours la même."

Suivant cette méthode, le chanteur a parcouru cette fois-ci l’Ouzbékistan, le Kirghizstan et le Maroc. Il en est revenu avec un septième album élégant, Promeneur, qui poursuit son petit bonhomme de chemin. Une fois de plus, bien malin qui pourra retrouver dans ce disque enregistré "seul dans une maison isolée à la montagne" des musiques traditionnelles arabes ou d’Asie Mineure.

La mélodie de l’existence

Au fil de chansons où se glissent juste quelques cordes, Boogaerts chemine en économisant les notes et les mots. "Une mélodie / Pour chanter l’amour / Une qui serait jolie/ Qui le serait toujours / Une qui serait toujours belle / Nouvelle / Qu’on chanterait encore / Et encore / Jusqu’à not’ mort", dit l’elliptique Une Mélodie. Ce n’est pas de chanson d’amour dont on parle alors, mais bien d’une façon d’agencer l’existence. Quel rythme donne-t-on aux choses ? Par rapport à quoi ? Et surtout, à qui ? 

Utilisant volontiers le langage naïf de l’enfance, il parle d’amour ou des attentats qui ont ensanglanté la France l’an passé. "Méchant m’a été inspiré par les récents événements. Je ne me suis pas dit que j’allais écrire une chanson dessus, mais quand la phrase 'Pourquoi t’es méchant ?' m’est venue, elle y a fait écho. Je me place en tant que victime, dans la chanson, mais je peux très bien imaginer que les méchants présumés se sentent victimes d’autre chose. On n’a pas la même interprétation du monde. Je relativise tout le temps le sens des mots, et parfois trop. Mais le bien et le mal sont des valeurs que je manie avec beaucoup de précautions."

Le chanteur traite aussi de cette différence entre l’idée qu’on a de soi et celle que l’on se fait de vous. Bizarre et son drôle de portrait, Le Glorieux, cet homme fort rattrapé par le sort... Quand il nomme son album Promeneur, on se dit par contre que cela a quelque chose d’autobiographique : "Ce n’est sûrement pas un hasard si j’ai choisi ce mot, c’est que j’ai trouvé quelque chose qui me ressemble. Ça évoque une promenade dans les émotions, l’aventure, la curiosité, l’errance", ajoute-t-il.

Un chanteur confidentiel

Avec ses cheveux jouant la bataille, on imagine volontiers Mathieu Boogaerts dans la lune, mais c’est aller un peu vite en besogne. Toujours zen, Mathieu ? "Je ne peux pas répondre à ça... On pourrait demander au chanteur d’AC/DC pourquoi il hurle, il ne dirait sans doute pas : 'Parce que c’est mieux de hurler !' Cela doit refléter mon rapport à ce monde. Je ne suis pas quelqu’un de colérique. Je suis quelqu’un de pacifique, de plutôt doux. Je n’aime pas le mot zen, que les Occidentaux emploient toujours à côté de son sens. Mais je tends vers cette sagesse, oui." 

Pourquoi est-il encore là après plus de vingt ans de carrière ? Qu’est-ce qui en fait un auteur/compositeur assez sollicité, surtout par des femmes ? L’un des mètres étalons de la chanson française actuelle ? Le fait qu’on reconnaisse immédiatement sa patte, indéniablement. Mais aussi qu’il ait donné envie de prendre le micro à d’autres. C’est en tout cas ce qu’observe le label de pop en français, La Souterraine, qui a confié son répertoire à de jeunes chanteurs sur la compilation La Souterraine ondulée. À propos de cet hommage, l’intéressé dit que ça lui fait "énormément plaisir", mais qu’il aurait aimé être honoré par "L’Aérienne, car La Souterraine, par définition, c’est underground".

La pirouette est toute simple, mais elle en dit beaucoup sur un garçon qui aimerait être "sur le bal d’un camping lambda" et "qu’on reprenne (ses) chansons". "J’ai toujours été confidentiel, je ne sais pas pourquoi. Je pense pourtant avoir vocation à faire des choses grand public", ajoute-t-il d’une voix pas si fluette que ça.

À part ce regret, on n’a pas trouvé d’autre musique que celle d’un chanteur heureux.

Mathieu Boogaerts Promeneur (Tôt ou tard) 2016

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