Daphné, planète des songes

Daphné © Julia Gragnon

Chanteuse décidément envoûtante et à plusieurs facettes, Daphné entraîne ses nouveaux titres vers d'autres espaces, d'autres mouvements, d'autres audaces. Iris Extatis est un cinquième album de chansons originales, rêveur et à la créativité fourmillante.

D'abord, la métamorphose. Celle de son approche de l'interview. Longtemps, on a dû sortir les rames pour recueillir propos et pensées de Daphné. Sur la réserve et même parfois la défensive, elle ne donnait pas beaucoup d'elle-même. Là, c'est une femme affable, charmante et presque primesautière qui s'abandonne à l'exercice. Une sorte de lâcher-prise salvateur. "Je suis moins timide et je me pose moins la question de savoir comment je vais être perçue. J'ai toujours eu une distance par rapport à ce métier. Beaucoup de choses ont été déformées et on avait aussi tendance à ne retenir que le côté fille fleur bleue et dans la lune. Du coup, je m'étais mise à me méfier".

Elle vit en Lozère, région qui sied parfaitement à son amour de la nature, des animaux et du silence. On la dit solitaire. Elle vient du théâtre. Elle a l'esprit de troupe. Encore le miroir faussé. "Je pense que les gens ont une idée erronée de moi. On a trop eu vite fait de me caricaturer comme une sentimentale. Pourquoi ne peut-on pas être un mélange de tas de choses ? Oui je suis flâneuse. Oui je suis rêveuse, mais je suis aussi quelqu'un de très pragmatique et qui a les pieds sur terre. Ce sont deux composantes de moi et il n'y a ni schizophrénie ni dualité".

Ce qui ne change pas, c'est la vertigineuse sensualité et le refuge irréel qu'elle insuffle à ses chansons. Pour Daphné, la musique est le meilleur moyen d'entrer en harmonie avec l'immensité du monde. Chanteuse qui traverse des paysages à la topographie à la fois contrastée et riche. Chanteuse avide de nouvelles expériences, constamment en quête de découvertes et de l'émotion la plus juste.

Chez elle, il y a une science de la précision et de la minutie. "Le but n'est pas d'être parfaite, mais de s'améliorer. Je suis une éternelle apprentie. Je veux faire passer les choses et j'adore les détails. Je suis en quelque sorte mariée à la musique". Iris Extatis, titre sortilège - comme auparavant Juliette avec Mutatis Mutandis - qui appelle à garder les yeux ouverts à l'émerveillement.

Après Émeraude, Carmin, Bleu Venise et Fauve, elle poursuit son cheminement instinctif en couleurs. "J'ai la musique et le système chromatique qui sont mélangés. Cela correspond à mes ressentis et aussi parce que chaque album a une énergie particulière qui se traduit en couleurs". Des énergies, elle dit en avoir déjà défini trois autres pour son futur discographique.

Élégance, sentiments discordants, hauteur, romantisme, songes éveillés : c'est le cahier des charges d'un album aux espaces flottants. Au milieu de cette conquête en apesanteur, un morceau plus frontal et politique. Il s'appelle Ultraviolet. "Cette chanson est née à la suite de l'élection présidentielle où j'ai pu constater comme tout le monde l'inadmissible popularité du Front national. Puis il y a eu deux amoureux qui ont été tabassés à cause de leur orientation sexuelle. Cela m'a révoltée. On a tellement tout dans ce pays pour pouvoir vivre ensemble". Il y a aussi, bien sûr, la voix d'une pureté absolue, hérissée d'accents expressifs et capable de cabrioles sidérantes (Supercalifragilis).

Cette alchimie à tous les niveaux, Daphné la doit aussi à une réalisatrice, l'infatigable et toujours inspirée Édith Fambuena. Osmose aussi bien précieuse que rare. "C'est quelqu'un qui aime jouer et je suis très joueuse. Elle a une présence et une écoute incroyables. Hormis Larry Klein, c'est la seule fois où j'ai fait un disque avec autant de respect de part et d'autre". Ceux qui ont assisté au concert parisien au Flow n'ont pas manqué de vaciller à la suite de leur duo en état de grâce (On n'a pas fini de rêver).

Daphné explore le territoire prolifique de son imaginaire, gorgé de cinéma et d'une sensibilité exacerbée. Elle (re)détermine les contours de son univers en mouvement. Une multitude de petits arrangements renforcent le relief des compositions et autorisent une libre circulation entre les choix électriques, acoustiques et les incursions world. Une flûte égyptienne, un sitar, des claviers ensorcelés ou florissants pénètrent notamment ce maelstrom sonore et sensitif.

"La magie fait partie du réel pour moi. Ce n'est pas un clone. Cela peut-être des synchronicités, des rencontres, un sentiment de déjà-vu. La magie est vraiment dans le réel et dans le rêve. Je me sens reliée à plein de pays du monde". Avec sa vision quasi mystique de son art, Daphné peut revendiquer haut et fort sa place au sein des empêcheuses de tourner la chanson en rond.                                                                   

Daphné Iris Extatis (A(T)Home) 2018
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