Fredda nage à contre-courant

La chanteuse Fredda. © Christophe Crénel

Phosphène. Ce mot rare, qui traduit la sensation de voir une lumière ou des corps-flottants, sied bien à la magnétique chanteuse Fredda. Qui renvoie la lumière aussi bien qu’elle l’attrape. Phosphène, son septième album, en est une illustration lumineuse. 

C’est une chanteuse rare, mais présente dans le paysage musical français. Atypique et onirique, Fredda se distingue par une écriture féminine, féministe et hautement poétique. Les chansons de Phosphène en sont une illustration douce, une invitation rock et folk, pop aussi, à s’immerger dans son univers. Qui s’ouvre à nous avec Nordique Ophélique. Fredda y convoque un imaginaire maritime lointain et magnétique. Elle s’imagine dérivante "on m’aurait retrouvée là, dans les eaux arctiques, à la lumière du froid, dérivant jusqu’à toi". Comme l’Ophélie de Shakespeare, mais sans se limiter à son caractère romantique. En creux, cette question aborde une préoccupation écologique : si la chanteuse s’imagine noyée, c’est parce que la banquise fond !

Ce qui, chez d’autres, résonne souvent comme une ritournelle à la mode est incarné dans la musique de Fredda –qui enseigne par ailleurs le yoga– depuis des années. Ainsi, la nature a-t-elle une grande place dans Phosphène et dans sa vie. "Mon rapport à la nature m’inspire énormément. Je cherche à la préserver ; je fais des jeûnes, je marche, je suis écolo, mais je ne le clame pas ; je l’aborde de façon détournée dans mes albums". C’est une thématique que l’on retrouve souvent. Présente, mine de rien, aussi sur l’ironique et mutine Viens avec moi et le dansant Dorveille. Mais aussi sur Aube, où elle célèbre "Le soleil Aux amours/ qui sommeillent/ Aux amours qui s’éveillent".

 

Des femmes inspirantes

Mata Hari (Aube), la poétesse indienne du VIe siècle, Mirabaï (Refuge) et Marylin Monroe (Argent) sont des figures, présentes comme des lumières dans la vie de la chanteuse, qui leur dédie ces trois chansons. Là aussi, sans les nommer, usant des métaphores pour raconter ce qui l’inspire dans leurs vies, réelles ou fantasmées. "J’ai essayé d’écrire des fictions, nous confie-t-elle. Les lumières que j’ai eues, ce sont des femmes qui ont eu un rapport au corps très présent et qui ont utilisé leur intellect dans un monde d’hommes. Pour Mata Hari, je pense que c’est la dernière scène de sa vie, quand elle a été fusillée, à l’aube, que j’ai voulu retranscrire. Cette image m’obsédait."

De Marylin, elle reprend en français One Silver Dollar, qui figure sur la bande-originale de La rivière sans retour. C’est une figure pour laquelle elle éprouve une tendresse à contre-courant. "J’adore cette femme. Elle représente le corps, la sensualité. J’aime l’image de la femme de saloon ; cette image assumée de Marilyn, quand elle minaudait et chantait cette chanson, me touche beaucoup". En résulte la cinématographique Argent. Une ballade triste, accompagnée de chœurs célestes, dans laquelle elle évoque l’argent bien sûr, mais aussi le soleil, qui donne la vie autant qu’il brûle.

Il y a de l’amour aussi, avec Long, qui évoque le vertige de la rupture.  "Que faire, fermer les yeux / Quand s’évaporent les amoureux", chante sur une musique entêtante Fredda.

Retour aux sources

Les hommes ne sont pas absents de ce disque joué, écrit et coréalisé avec Pascal Parisot. Figure également un duo, Cheveux serpents. Une mélopée rock, pleine de sensualité qu’elle chante avec Matt Low, à l’initiative de ce nouvel album. "On s’est rencontrés sur scène en 2021. Il y a eu quelque chose de très intuitif entre nous. Il m’a proposé de jouer ensemble, de revenir à la fabrication. Il a initié des répétitions à Clermont-Ferrand. J’y suis allée dans une période un peu creuse, je n’avais pas trop d’inspiration et j’ai écrit très vite cet album. Chaque soir dans ma chambre d’hôtel, j’écrivais, je peaufinais la chanson du lendemain. Ce disque est parti d’un rapport à la musicalité, à la musique live. C’était comme un retour aux premiers groupes de rock" (Rires).

Ce retour aux sources s’accompagne aussi d’une tournée, qui passera par l’Allemagne, où la chanteuse s’est constituée un public fidèle. Mais pourquoi donc ? "Les Allemands sont francophiles, ils aiment les chansons et les mots. Même s’ils ne comprennent pas toujours les textes, ils s’attachent à la prosodie et la ressentent", explique Fredda. Elle nous raconte aussi l’importance de Pop Musik, son label en Allemagne, qui il a également contribué à y faire découvrir Albin de la Simone et Dominique A. Les chansons de Phosphène prendront vie sur scène en juin pour le plus grand plaisir de leur interprète. Qui livre un album aussi sincère que sensible. 

Fredda Phosphène (Microcultures) 2023
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Fredda sera en concert à Paris le 23 juin 2023, au Zèbre.