Drôle d'Oizo

C'est incontestablement un drôle d'Oizo, que ce Mr Oizo, un Oizo rare et francophone -même si sa zique est presque exclusivement instrumentale- qui réussit le tour de force de bouleverser l'ordre établi des hits britanniques d'un invincible "Cocorico " supersonique. Mister Oizo, alias Quentin Dupieux a tout juste vingt-cinq ans. Et il est aujourd'hui plus fort que le Concorde !

Volatile anonyme voici encore trois mois, Quentin est aujourd'hui Numéro Un en Angleterre et un peu partout au monde avec son tube technoïde "Flat Beat", bande originale de l'incontournable pub Levi's pour sa nouvelle gamme "Sta Prest".

La force de Mister Oizo c'est cette maîtrise totale de l'image et du son, et aussi ceux dont il sait si bien s'entourer, comme cette irrésistible marionnette baptisée "Flat Eric", la véritable star de sa pub. Croisement subtil et attachant entre un vieux gant de toilette jaune et un transfuge du Muppet Show de feu Jim Henson, Flat Eric fait craquer toute la Planète de son sourire éternel et de ses bras filiformes sur fond de techno minimaliste.

Avant ce coup de maître, Quentin n'avait réalisé qu'une poignée de clips pour son ami Laurent Garnier et enregistré deux maxis 45 tours sur son label F Communications.
Aujourd'hui, comme le Doc Jekill et le Mister Hyde de la chanson de Gainsbourg, il porte en guise de couronne de lauriers cette double casquette artistiquement schizophrène: tandis que Mister Oizo assure les programmations, les échantillons et la production du tissu musical, l'alter ego Quentin Dupieux y projette ses flashs, son imagination… et sa sympathique ménagerie.

Comme ses augustes prédécesseurs de cette "vague française" qui a tant le vent en poupe, les Daft Punk, Air et plus récemment Cassius ou Alex Gopher, Mister Oizo surfe sur un succès rendu possible par le pouvoir de l'instrumental mais aussi hélas l'abstraction de cette langue si riche et si belle et pourtant si furieusement handicapante lorsqu'il s'agit de décrocher un succès à l'échelle du village global.
À cette vision pessimiste de l'expression française, s'oppose heureusement le parallèle avec l'univers du jazz où nul n'ira jamais reprocher à un Jean Luc Ponty ou à un Michel Petrucciani de ne pas chanter en français... pour la simple raison que leur musique n'est pas vocale.

Et à cette heure résolument européenne du second millénaire où dans nos derniers bastions franco/français tels la cuisine ou la mode les designers britishs de Alexander Mac Queen à Stella Mac Cartney font la pluie et le beau temps de le haute couture, il est rassérénant de voir toutes ces jeunes grenouilles musicales agiter le bocal trop longtemps fermé depuis Gainsbarre et Plastic Bertrand de la scène internationale.

Alors si cette "french touch" touche et gagne comme Cyrano, il faut s'en réjouir.

Gérard BAR-DAVID

Mr OIZO Flat Beat maxi- F Communications