BB Brunes, l’unité d’un puzzle bien tempéré
Après un départ en fanfare de 2007 à 2012 (trois albums, trois Disques d’or, une Victoire de la Musique), le phénomène BB Brunes a pris son temps pour élaborer un quatrième opus, Puzzle. Un album fait pour "surprendre", d’après Adrien Gallo, leader du groupe. En effet, le son est devenu beaucoup plus léché et des traces de Bashung, Christophe ou même Chamfort apparaissent, avec des titres aussi addictifs que Puzzle, Eclair Eclair, Midi Minuit ou Ext Nuit.
RFI Musique : Votre premier album est sorti en 2007. Votre groupe a dix ans. Vous avez déjà réalisé quatre albums. Quelle impression cela vous fait-il ?
Adrien Gallo, voix et guitare : Nous sommes fiers du chemin parcouru. Mais nous préférons regarder les dix années à venir plutôt que celles qui sont passées.
Félix Hemmen, guitariste : Quand nous avons commencé, pouvoir sortir un album était de l’ordre du rêve… Mais nous avions déjà la volonté de durer.
Je crois savoir que le surnom de "bébés rockeurs" vous déplaisait beaucoup…
Adrien : Oui et non… Nous avons finalement accepté l’étiquette, mais nous ne la comprenions pas. La plupart des groupes de rock ont, eux aussi, commencé très jeunes.
Félix : Même les Beatles ! George Harrison a été expulsé d’Allemagne pendant les premiers concerts qu’ils donnaient à Hambourg, en 1960, parce qu’il n’avait pas dix-huit ans et n’avait donc pas le droit de travailler…
Adrien, avez-vous vraiment lancé le groupe à onze ans avec Karim Réveillé, qui est toujours le batteur des BB Brunes ?
C’est vrai. Le groupe s’appelait alors Hangover… Là, "bébé rockeur" signifiait vraiment quelque chose… Nous jouions dans la cave de mon immeuble. Karim se débrouillait avec une mini batterie et Raphaël Delorme avec une gratte sèche. J’écrivais déjà des compos. Raphaël aussi. Notre première Fête de la Musique, nous l’avons faite à onze ans, en jouant rue de Turbigo…
Vous avez déclaré à RFI Musique en décembre 2009 : "Pour le premier album, on jouait comme des quiches." C’est pourtant cet album qui vous a valu une célébrité immédiate…
Adrien : On a dit ça, nous ? On jouait plutôt comme des "djeun’z" : Blonde comme moi, on l’a enregistré comme une grosse répèt’, en une semaine…
Félix : À la réécoute, nous sommes toujours aussi fiers de ce disque. Il permet de constater notre évolution : aujourd’hui, nos albums sont beaucoup moins live !
Adrien : Nous aimons les artistes comme Gainsbourg ou Bowie qui se renouvellent, qui inventent. C’est ça notre but : nous affranchir d’un seul style et surprendre à chaque fois.
Puzzle confirme une direction plus électro pop, plus chanson…
Adrien : Oui… Chanson française et en même temps électro et en même temps, discrètement, hip hop, urbain, dans le traitement des sons, les boîtes à rythmes. Comme des gens que nous aimons bien : Kendrick Lamar, PNL, Frank Ocean, Drake…
Félix : Ce disque est un mélange de toutes nos influences, que nous avons mises dans une boîte et secouées…
Adrien : Nous ne voulons plus faire de hiérarchies entre les différents genres. Avant, nous avions une obsession : le rock pur et dur, sonner brut. Si, à l’époque, on nous avait dit qu’on mettrait dans nos morceaux des boîtes à rythmes, des synthés, on aurait dit "nonon, c’est mort"… (Rire)
Est-ce que le projet solo d’Adrien, Gemini, en novembre 2014, a eu une influence sur Puzzle ? Ou bien votre virage, vers Daho entre autres, était-il entamé dès 2012 avec Long Courrier ?
Adrien : C’est vraiment Long Courrier qui a débuté notre virage : nous nous sommes alors autorisé des synthétiseurs, une musique plus produite, moins brute, avec des influences de Daho, Taxi Girl, Elli et Jacno… Étienne Daho a toujours eu un œil bienveillant sur nous. Et j’assume plus aujourd’hui mon côté "variété française" : Berger, Bashung, Sheller, Christophe, Gainsbourg, Souchon… Ce qu’écoutaient nos parents…
Bérald, bassiste : Eh, non ! Chez moi, c’était funk et rock !
À propos de Puzzle, la critique évoque souvent Alain Bashung… On devrait plutôt parler, pour les textes, de Boris Bergman ou de Jean Fauque, ses deux paroliers, non ?
Adrien : Complètement ! Il y a quelque chose dans leur façon d’écrire qui est poétique, lisible sur plusieurs plans… Ça me plaît. C’est une façon d’écrire en français affranchie de tout aspect scolaire. Christophe, lui, dit que les mots sont des sons et qu’il les prend comme des instruments de musique. Je me sens aussi assez proche de cette démarche-là.
Adrien, votre père, Jean-Pierre Gallo, un grand de la télévision publique française, est décédé en février 2012, juste avant l’enregistrement de Long Courrier, votre précédent album…
Adrien : Mon père est quelqu’un qui a toujours cru en moi. Il aimait beaucoup écrire. C’est lui qui m’a initié à l’amour du mot. Il m’a fait lire René Char, qu’il avait interviewé d’ailleurs…
Bérald : Il nous avait même accueillis chez lui pour qu’on joue quelques chansons du deuxième album. Il nous avait mis dans le salon, on jouait à fond. (À Adrien) Il t’a toujours poussé, quoi.
Adrien : Il m’avait lu un poème de René Char, dans Les Matinaux : "Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront"… C’est une phrase à garder en tête quand on fait ce métier-là.
BB Brunes Puzzle (Warner) 2017
Site officiel des BB Brunes
Page Facebook des BB Brunes
25, 26 et 28 septembre 2017 : le groupe célèbre ses dix ans de carrière aux Étoiles, 75010 Paris. Chacun des soirs sera dédié à chacun des trois premiers albums.