Batuk, le kwaito dans la peau

Carla Fonseca, du groupe sud-africain Batuk. © Gabrielle Kannemeyer

Après un premier album remarqué, le collectif à géométrie variable emmené par la star de la scène électro sud-africaine Spoek Mathambo, est de retour avec Kasi Royalty : réjouissant disque de house influencé par le kwaito, un style né à Soweto dans les années qui ont suivi la fin de l’apartheid en 1991. Associé à la chanteuse Manteiga, alias Carla Fonseca, Spoek Mathambo signe la bande-originale de son adolescence à un moment clé de l’histoire de son pays.   

C’est en 2016 que le groupe Batuk fait parler de lui pour la première fois. Empruntant son nom à un tambour traditionnel, le collectif panafricain ne manque pas d’ambition : unifier les peuples du continent sous la bannière du rythme. Musica de la Terra, enregistré entre le Mozambique, l’Ouganda et l’Angola, marque en tout cas les esprits avec sa house mutante et sans frontières, globalisée mais consciente de ses propres racines.

Tout aussi hybride que son prédécesseur, Kasi Royalty est un album plus urbain, influencé par le kwaito, musique house aux accents hip-hop qui a déferlé dans les clubs de la région de Johannesburg après la fin de l’apartheid. "C’était une musique pour célébrer cette nouvelle liberté et cette nouvelle énergie en Afrique du Sud alors qu’au même moment la house était omniprésente à travers le monde", détaille le producteur et rappeur hyperactif de 33 ans, Spoek Mathambo. "J’imagine que le climat sud-africain a fait que l’on a ralenti le tempo : au lieu de passer les vinyles à 120 battements par minutes, on les passait à 100 BPM. C’est ce qui donne ce rythme à la fois apaisant et groovy."

Taillé pour la piste de danse comme en témoigne le single Move ! ou le remuant Agua Vida,  ce nouvel album de Batuk sait aussi se montrer profond et méditatif sur Deep ocean deep ou Still perfect. Transe, électro, hip-hop… 12 titres composent ce savoureux melting pot à l’image de la bouillonnante société sud-africaine.

La vitalité des Kasi

Avec ses sonorités proches des productions des années 90, Kasi Royalty s’apparente à une véritable machine à remonter le temps pour le duo.  "À ce moment-là j’avais quoi ? 10 ou 12 ans", se souvient  Carla Fonseca. "Et pourtant, il y a toujours chez moi quelque chose de très nostalgique à propos de cette période. Quand j’entends l’une de ces chansons de Kwaito, je peux encore me souvenir où j’étais, ce que je faisais, avec qui j’étais ce jour-là."

Au-delà de la nostalgie d’une époque, Kasi Royalty rend hommage à la vitalité des Kasi, un terme d’argot qui désigne les townships où ils ont grandi. "Trop souvent, les gens associent les townships à tout ce qui ne va pas : ils pensent à la pauvreté, ils pensent à une vie triste mais nous, on a eu une super enfance !", assure la chanteuse et performeuse originaire du Mozambique. "J’ai grandi à Soweto à la fin des années 80. Le contexte politique était très dur mais en même temps il y eu cette énorme explosion d’énergie", renchérit Spoek Mathambo. "Je dirais que le kwaito est bien plus que de la musique. Il a une signification culturelle, historique, cela veut dire beaucoup pour nous !"

Cette nouvelle pépite de Batuk confirme une fois de plus le statut d’eldorado de la musique électronique de l’Afrique du Sud. Un statut qui doit beaucoup au talentueux Spoek Mathambo qui après l’excellent Mzansi Beat Code paru l’an dernier, continue d’explorer l’inépuisable richesse des cultures urbaines de son pays. 

Batuk Kasi Royalty (Teka Records) 2018

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