Panorama d’amapiano
En une dizaine d’années, l'amapiano s’est imposé en Afrique du Sud. Il est sans doute le rejeton des musiques électroniques le plus inspiré du moment. Ce style minimal au rythme nonchalant est en pleine expansion, avec de jeunes producteurs comme notamment Teno Afrika.
En Afrique du Sud, c’est le son incontournable que l’on entend dans les autobus, les magasins, à la radio ou en club. Apparu dans les années 2010, l’amapiano est, près de dix ans plus tard, plus populaire que jamais.
Le jeune Teno Afrika en donne sa définition : "C’est un des genres de la deep house d’Afrique du Sud, aux côtés du kwaito jazz ou de la Bacardi house. Il y a de multiples sous-genres : la gong gong amapiano, l’amapiano soulful, l’Harvard amapiano…"
La production sud-africaine est en effet pléthorique, les nouveautés sont toujours plus nombreuses, bien que les soirées en club soient quasi à l’arrêt à cause de la pandémie de coronavirus. C’était pourtant le principal moyen pour les producteurs de musique de gagner leur vie, car les fans d’amapiano des communautés noires s’échangent surtout les nouveautés via le réseau WhatsApp.
Johannesburg et Pretoria
L’amapiano s’inspire de la house music américaine dans son aspect le plus mélodieux et souvent chanté, avec parfois quelques accents jazz. La rythmique chaloupée et percussive s’en démarque, tout comme le tempo ralenti, souvent autour de 115 battements par minutes.
À cela s’ajoutent de subtiles décharges de lignes de basses et quelques échantillons de cuivres. L’amapiano est la descendante du kwaito, un autre style de musiques électroniques né à Johannesburg au début des années 90. "Amapiano" parce que le piano ou les claviers étaient omniprésents aux débuts de ce genre, d’abord instrumental avant que les voix ne fassent irruption vers 2017.
Pionniers du genre, le duo MFR Souls de Johannesburg fait toujours partie des stars de l’amapiano, aux côtés des JazziDisciples, de DJ Maphorisa ou de Kabza de Small, dont l’album I am the king of amapiano ravira les fans de house jazzy.
Townships
Pretoria est l’autre place forte du genre, né dans le nord du pays, dans les townships, les bidonvilles où avec un ordinateur et le logiciel gratuit Fruity Loops, de nombreux jeunes Noirs rêvent de lendemains meilleurs. Comme aux débuts de la house music dans les années 1980 à Chicago ou du rap à New York, la créativité est aiguillonnée par le manque d’instruments ou de matériel, et l’amapiano affiche encore une certaine candeur.
Le DJ Da Kruk, a contribué à populariser le genre sur les ondes nationales de la radio YFM, avec son émission hebdomadaire The Playa’s Club de 2012 à 2020, alors que différentes majors du disque ont signé quelques stars de l’amapiano. Un documentaire, Shaya!, réalisé en 2019 par le DJ Papercutt, montre quelques artistes de cette scène musicale, filmés à l’occasion de tournées organisées avant la pandémie par la marque de bière… Corona.
Le phénomène musical touche aussi d’autres pays du continent, comme la Tanzanie ou la Namibie. La jonction est accomplie avec le Nigeria, grâce aux artistes Wizkid et Burna Boy qui ont participé au tube Sponono de DJ Maphorisa. Même le vétéran de la French touch St Germain s’est mis à l’amapiano pour remixer l’un des titres de son album Tourist. Et Da Kruk a lancé son émission radio au Royaume-Uni, l’amapiano est prête à conquérir le monde.