Folamour au-delà des platines

Le DJ lyonnais Folamour. © Baptiste Le Quiniou

Plébiscité en Australie ou en Grande-Bretagne, le DJ lyonnais abandonne les samples et les platines pour s’acheminer vers des titres plus pop et travaillés d’album en album. Rencontre avec Folamour, l’homme à l’éternel bob.  

  

Encyclopédiste du son ? Auditeur compulsif ? Ou bien chineur de samples ? Bruno Boumendil, alias Folamour, passe des heures sur Internet à écouter méthodiquement la discographie complète d’un artiste ou toutes les sorties d’une maison de disques. "J’ai collectionné les disques vinyles, mais c’est philosophiquement un peu élitiste par rapport à ce que je défends. Mes grands terrains de jeu sont Youtube, Spotify ou Discogs. J’ai une façon un peu militaire de digger (de chercher des morceaux de musique, ndlr). Je ne veux pas louper quelque chose." 

Il a ainsi récemment balayé toute la discographie de Patrick Cowley, un Américain pionnier de la disco. Lors du festival Peacock Society, en un bel après-midi ensoleillé de septembre, près de Paris, le DJ fait danser les spectateurs au son de Patrick Cowley, des Pointer Sisters ou de B.B. & Q. Band. Un public très jeune qui n’a pas l’âge d'avoir connu cette période funk et disco. Mais avec quelques sonorités plus actuelles, le mélange prend et se démarque de la techno calibrée pour faire danser.  

Doc Gynéco  

Folamour a baigné dans la musique. "Adolescent, j’aimais surtout trois genres musicaux. La musique africaine, comme Salif Keita, Manu Dibango ou Amadou et Mariam. La musique folk de Bon Iver ou de Ray LaMontagne. Et le hip hop français, Première Consultation de Doc Gynéco est l’album que j’ai le plus écouté."  

Comme beaucoup, le rap l’a incité à explorer les titres de jazz et de funk échantillonnés sur les productions musicales. À l’âge de 6 ans, ses parents lui achètent une batterie, puis il se met à la guitare. Au collège, il crée son groupe de rock metal. Avec une telle palette de goûts musicaux, on comprend mieux son côté encyclopédique.  

Lors de ses études en BTS de communication, il choisit de valider son cursus, non par un stage en agence de communication, comme tous ses petits camarades, mais en organisant une soirée… Nous sommes en 2010. Le jeune Bruno se prend au jeu : avec son collectif Touche française, il fait venir à Lyon des artistes américains, comme Theo Parrish, Kerri Chandler ou Moodymann, mais aussi des rappeurs comme 1995 ou le Roi Heenok.  

Samples  

Les cinéphiles auront deviné que son surnom vient du film de Stanley Kubrick (Dr Strangelove en V.O.). À l’étranger, la référence passe souvent inaperçue, mais ce pseudonyme "frenchy" faussement naïf et romantique fait mouche. Tout comme son apparence sportive, mais soignée : large tee-shirt et bob enfoncé sur la tête. Un couvre-chef mûrement pensé pour se distinguer. Il en aurait 150.    

Son premier album Umami (2017) célébrait l’art du sample jazz et funk. "J’ai utilisé beaucoup de samples parce que je n’étais pas suffisamment bon musicien. Le second (Ordinary Drugs), créé à Londres, était plus froid et ne comprenait aucun sample. Le prochain fera la part belle au synthé (le quatrième, ndlr)", explique ce grand barbu athlétique, qui s’est mis à la basse et au piano.  

En 2019, une vidéo Boiler Room (avec un titre d’Abba malicieusement glissé) fait connaître le DJ aux quatre coins de la planète. Cette année-là, il joue 140 fois en clubs, en festivals ou en salles de concert à travers le monde. Il est plébiscité par le public en Australie, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Comme bien d’autres artistes, la France semble le découvrir et l’apprécier plus tardivement.   

Deux ans de stress  

Parti vivre à Londres, il revient dans les environs de Lyon, à la campagne, au moment du premier confinement de 2020 pour se rapprocher de sa famille et de ses amis. Fini les tournées, les avions et le décalage horaire. Il termine en ermite son troisième album The Journey, moins électronique que le précédent, assurément plus pop.  

Consciente du potentiel de sa musique, une multinationale du disque, Sony Columbia, publie désormais ses disques. "Bien que signé en major, j’ai créé ce troisième album de façon indépendante, sans discussion sur mes orientations artistiques. J’ai pris le temps d’écrire, d’enregistrer ma voix, des cuivres ou des cordes… Cela m’a pris deux ans, deux années de doute, de stress à ne pas en dormir la nuit."  

Comme son nom l’indique, The Journey évoque dans ses paroles (en anglais) le voyage, mais aussi l’immigration, l’éloignement, la solitude… Et l’enfance provençale du jeune Bruno (en français, cette fois). Ce voyage, c’est aussi son long cheminement musical. "La musique que je veux faire me prendra des années avant d’acquérir des compétences, de jouer des instruments… Alors chaque album sera meilleur que le précédent !" s’amuse Folamour. À suivre donc.  

Folamour The Journey (Columbia) 2021
En concert à l'Olympia à Paris le 31 octobre 2021 et en tournée. 

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