Votez Dombrance
Passé du rock à l’électro, de DBFC à Dombrance, Bertrand Lacombe s’inspire de politiciens français ou américains pour créer ses ritournelles dansantes dans le nouvel album, République électronique. Endossant le costume d’un candidat RPR des années 80, il décide de partir en campagne pour défendre son programme festif et décalé face aux Français. Interview-vérité.
RFI Musique : Comment est né cet étonnant mariage d’hommes politiques et d’électro ?
Dombrance : En avril 2018, j’attendais Léonie Pernet dans mon studio à Paris pour effectuer le mixage d’un de ses titres. J’étais grippé et sous cortisone. Je pianotais et j’ai eu une hallucination auditive, le synthé m’a dit : "François Fillon, c’est François Fillon". J’ai enregistré ma voix et commencé à composer. Tout est donc arrivé un peu grâce au retard de Léonie Pernet (rires). Je n’en ai pas dormi de la nuit. Puis, je n’ai fait que composer des titres pendant un mois. Ma femme m’entendait chanter "Copé Copé" sous la douche, elle a dû me prendre pour un fou !
Mon tourneur, Antonin Despins, a fait écouter mes maquettes au directeur artistique des TransMusicales de Rennes, Jean-Louis Brossard. Et je me suis produit pour mon premier live en décembre 2018 aux Trans. Les idées débiles sont parfois les meilleures !
Une nouvelle aventure artistique…
Ce qui était d’abord pour moi un terrain de jeu est devenu un terrain d’expression, voire de libération artistique. Cela m’a permis de m’affranchir de la vie de groupe pour partir seul sur la route. J’ai ainsi pu aller jouer en livestream depuis ma cuisine pendant les confinements, puis une quinzaine de fois chez les gens. Un peu comme Giscard d’Estaing qui s’invitait chez les Français, le rêve de tout politicien !
Comment être inspiré en musique par la politique ?
Je n’utilise pas de discours de politiciens, je ne fais pas passer de messages. Je joue avec les noms des politiciens, je les malaxe. Car je crois que la musique est un langage en elle-même. Certains titres sont plutôt disco, comme Raffarin, plus émotionnels, comme Taubira…
J’ai toujours été passionné par la politique. Mais je vote sans passion depuis longtemps, pour le moins pire des candidats. J’ai compris que la politique était nécessaire à la démocratie, mais complexe. Mais parents n’étaient pas des militants. Comme nous n’étions pas du même bord, nous avions de grandes discussions. Jeune, j’aimais beaucoup Lionel Jospin, sa droiture, son éthique. J’ai très mal vécu sa défaite en 2002.
Est-ce que ce projet va rendre les hommes politiques plus sympathiques ?
Je ne pense pas. Les gens font la part des choses. Le public comprend que ma musique et mon projet sont plus importants que ces politiques. Ce sont des figures que tout le monde connaît, je m’amuse avec leur nom. Je joue avec la contradiction entre le sérieux de ces politiques et le second degré. François Fillon n’est pas le plus rigolo, mais je trouve ça drôle que des gens se disent dans un club : "Est-ce que je danse vraiment sur François Fillon ?", comme une hallucination auditive.
Et puis, il s’agit de politiciens plutôt en fin de carrière ! Ils sont comme un cheval de Troie pour faire passer ma musique. C’est peut-être aussi un moyen de rendre la musique électronique un peu plus drôle, car elle utilise peu l’humour.
Comment est né cet album République électronique ?
L’INA (Institut National de l’Audiovisuel, ndlr) m’a proposé une collaboration en vue des élections présidentielles de 2022. J’ai décidé de m’inspirer des mandats des huit présidents de la Vème République, du Général de Gaulle à Emmanuel Macron, davantage des époques que des personnalités. L’album est instrumental, hormis Pompidou. Il raconte un peu l’histoire de la musique et de la danse de 1958 à aujourd’hui.
Vous avez mis en musique Donald Trump, mais pas Éric Zemmour ou Marine Le Pen… Certains n’ont-ils jamais été publiés ?
Il m’est très difficile de composer sur des politiques actuels, comme Macron. Le titre Trump est sorti après son départ. Le Pen et Zemmour ne me disent rien, cela ne m’inspire pas…
Avec le musicien mexicain Bufi, nous avons composé AMLO sur le président de son pays. Certains, comme Nicolas Hulot, Jean-François Copé ou Anne Hidalgo ne sont jamais sortis.
Vous avez créé un personnage d’homme politique…
Oui, un politicien qui monte sur scène et qui pète les plombs, durant une sorte de meeting électronique. Je viens du monde du rock et je n’ai jamais été à l’aise avec le paraître et l’obsession de l’image. Même les artistes punk ou grunge passaient du temps pour avoir l’air non conformistes, se conformant à une image ou à une mode. J’ai créé un personnage avec costume, lunettes et grosse moustache, qui est en fait très inspiré par mon père ! J’aime beaucoup les personnages de Jacques Tati, Pierre Richard ou de Peter Sellers dans The Party, qui se trouvent au mauvais endroit au mauvais moment.
Avez-vous eu des réactions de politiciens ?
Jamais. Des militants ont réagi sur les réseaux sociaux, notamment ceux de Philippe Poutou. Je n’ai pas été approché par des partis et ma musique n’a pas été utilisée lors de meetings politiques. Cela romprait le charme et mon indépendance artistique.
► À écouter sur RFI : Rendez-vous culture - Musique : Votez Dombrance !
Dombrance République électronique (E.47 Records) 2022
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