Wax Tailor, heureux accidents
Entre extraits de vieux films et interprètes bien actuels, le DJ français Wax Tailor est de retour avec sa touche si reconnaissable, entre hip-hop et électro. Moins politique que le précédent, son septième album Fishing For Accidents sera l’occasion pour lui de revenir sur scène après 5 ans d’absence.
RFI Musique : Comment est né cet album ?
Wax Tailor : Acte 1 : trouver le titre de l’album, je commence toujours ainsi. Cela me permet de construire un univers, d’entrer dans une bulle. Je regardais un documentaire sur Orson Welles, il disait que son travail de réalisateur consistait à capturer des accidents, il termine la conversation ainsi : "Let’s go fishing for accidents!" (Allons à la pêche aux accidents !). Je me suis dit, c’est un peu ma vie de musicien dans le processus créatif ! Cela m’a permis de m’écarter du côté conceptuel et politique de l’album précédent, très cathartique, sur mes questionnements sociétaux. C’est donc un album plus léger, mais qui reste mélancolique.
Il y a beaucoup d’artistes invités à chanter sur cet album, comment sont-ils choisis ?
Mon univers musical étant un peu monolithe, plutôt que d’effectuer des virages à 180°, je préfère surprendre grâce aux collaborations.
Je n’envoie pas 15 instrumentaux à chacun, mais un seul que j’ai choisi, si cela ne fonctionne pas —comme avec Beth Gibbons il y a quelque temps— tant pis, je veux que cela corresponde à ce que j’avais en tête. Les musiciens ont un peu tendance à envoyer plein de propositions et à voir ce qui se passe, les albums à featurings ressemblent souvent à des compilations. Et certains artistes gagneraient à être plus précieux, plus rares, à l’instar de Portishead, ou a contrario Mad Lib. Difficile à l’ère du streaming…
Des accidents musicaux se produisent-ils souvent ?
J’aime tout contrôler ! Mais capturer des accidents peut être un acte de réalisateur. La recherche de samples, en posant le diamant quelque part sur un disque vinyle, c’est déjà un peu un hasard, un accident.
Justement, ces échantillons de vieux films sont caractéristiques du son Wax Tailor.
Il y a une qualité de dialogue incroyable dans les films américains des années 50 et 60 : Lubitsch, Preminger, Hitchcock… En anglais, avec trois mots, on obtient un concept et un gimmick faciles à manier en musique. Cette idée de sampler les vieux films vient du rap, la rythmique des dialogues épousait parfaitement celle des morceaux. Dans les années 90, je rêvais de récupérer les dialogues de films et de les scratcher sur des vinyles. Le DVD a été une petite révolution pour moi. Ces vieux sons, cette patine, cela appartient à l’inconscient collectif, je pense.
Vous jouez beaucoup sur le contraste entre des sonorités anciennes et actuelles…
C’est vrai. Il y a parfois un rejet de ces sonorités anciennes —"old school"— et de sons plus actuels. J’aimerais être contemporain en utilisant des références qui viennent de loin, à la façon de l’Américain El-P. Je n’ai ni envie de singer les sons old school, ni ceux d’aujourd’hui, si uniformes car tout le monde utilise les mêmes logiciels Native Instruments. L’industrie musicale a tué cette culture pour des raisons mercantiles, mais c’est un autre débat…
Quelle est votre famille musicale ?
En Grande-Bretagne, the Herbaliser a été musicalement comme une Rolls, un précurseur, avec de très beaux arrangements, malheureusement un peu oublié. J’aurais aimé parvenir à réaliser cela. Aux États-Unis, je me sens proche de RJD2 à ses débuts, je trouve son premier album meilleur et plus riche que celui de DJ Shadow, Endtroducing. Mais, honnêtement, ce n’est pas la musique que j’écoute le plus. DJ Krush est l’un des pères fondateurs de l’abstract hip-hop, son premier album Strictly Turntablized m’avait vraiment retourné, avec une identité incroyable, sans rappeurs. El-P a lui réussi à se réinventer musicalement en 30 ans de carrière.
À quoi ressemblera la prochaine tournée ?
Ce sera la tournée de mes deux derniers albums —un peu le yin et le yang l’un par rapport à l’autre— puisque je n’ai pas pu défendre sur scène The Shadow of their Suns. La dernière tournée date d’il y a 6 ans. Je serai accompagné de 4 musiciens, 2 MC et une chanteuse.
Vous tournez beaucoup aux États-Unis…
Il y a eu une étincelle il y a 20 ans, qui m’échappe. Je me souviens être allé en touriste à Los Angeles et d’avoir entendu mon titre Que Sera dans un restaurant, j’avais halluciné ! À l’époque, les sites MySpace ou Facebook permettaient de toucher le public sans avoir à payer Mark Zuckerberg. À chaque album, je reçois un mail des États-Unis pour venir y jouer.
Wax Tailor, Fishing For Accidents (Lab’Oratoire) 2023.
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