
Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXème siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.
Réalisation : Nathalie Laporte
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Walter Trout, le virtuose discret...
S'il a accompagné la destinée de grandes figures du Blues comme John Lee Hooker, c'est dans l'ombre de ses héros que Walter Trout s'est forgé une identité musicale qui le hisse aujourd'hui au rang des meilleurs guitaristes de la planète.
Lorsqu'en 1959, Miles Davis fait paraître l'album « Kind of Blue », Walter Trout a 8 ans. Bien qu'il ne comprenne pas vraiment cette sonorité jazz, la musicalité du trompettiste attise sa curiosité et son intérêt.
Cependant, à l'adolescence, une autre forme d'expression va le faire frissonner davantage, c'est le blues des vétérans. Il se sent happé par cette lancinante complainte de la communauté noire. Lui-même ne se l'explique pas. Il est blanc, originaire du New Jersey, et n'a pas connu la ségrégation raciale. Il va pourtant s'identifier à ces grands personnages, comme s'il avait au fond de lui l'héritage ancestral des esclaves africains.
Qu'il ait ou non des origines afro-américaines, Walter Trout ne peut nier le fait que son blues exprime une douleur, une blessure psychologique qu'il partage forcément avec les peuples opprimés ou démunis. Il ne veut cependant pas tomber dans le cliché du vieux bluesman reclus, incapable de sourire ou de trouver l'espoir.
Son dernier album en date, «Blues for the Modern Daze» (Provogue/Wagram), a été inspiré par une personnalité légendaire, un certain Blind Willie Johnson, un pionnier du blues qui vécut au Texas entre 1897 et 1945. Walter Trout a un profond respect pour la tradition de ses aînés. Il veut, en toutes circonstances, honorer tous ceux qui ont souffert pour que la dignité de l'homme soit respectée.
Si, à 61 ans, Walter Trout prend le temps de dénoncer les dérives de nos sociétés, c'est d'abord parce qu'il a, lui-même, subi la pression d'un système qui ne lui a pas fait de cadeaux. Bien qu'il soit talentueux, et régulièrement salué par ses pairs, il n'a pas connu la gloire ou la reconnaissance à laquelle il aspire. Sans la main tendue de certains musiciens attentifs et bienveillants, il aurait sûrement quitté la scène. C'est la raison pour laquelle, il voue une admiration sans bornes au bluesman britannique, John Mayall.
Malgré les revers, les brimades, les déconvenues, Walter Trout a persévéré, et bien qu'il n'ait pas connu la destinée douloureuse de ses héros noirs américains, il porte en lui cette gravité que les authentiques bluesmen ne savent pas réellement cacher.
Comme le clame Walter Trout depuis 40 ans : « Le blues n'est pas seulement le réflexe identitaire de la communauté noire, c'est l'expression d'un trouble, d'un mal-être, que nous pouvons tous ressentir ».