
Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXe siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.
Réalisation : Nathalie Laporte
Retrouvez la playlist de l'Épopée des musiques noires sur Deezer
Le samedi vers toutes cibles à 14h30, vers Afrique haoussa à 21h30
Le dimanche vers Afrique lusophone à 17h30, vers Prague à 18h30, vers toutes cibles à 22h30. (heures de Paris)
L'Odyssée du Blues
Mighty Mo Rodgers est un conteur exceptionnel, un pianiste et chanteur de blues de grand talent, mais surtout un historien passionné par la destinée de l'Amérique dont les contradictions, les errements, et la grandeur le fascinent. Depuis 1999, il a entrepris de raconter l'aventure humaine et musicale de la communauté afro-américaine dans une odyssée du blues qui compte 12 albums. Le sixième volet de cette imposante saga est désormais disponible sur le label Dixiefrog, et s'intitule « Mud'n'Blood » (La boue et le sang). Il narre le quotidien effroyable des Noirs du Mississippi, l'un des Etats les plus violents et racistes des États-Unis.
Bien qu'il connaisse son sujet par cœur, Mighty Mo Rodgers a eu beaucoup de mal à produire ce nouveau disque. En composant les différents titres, il réveillait la douleur et la souffrance de ses ancêtres, mais le résultat valait bien les larmes de son auteur. Plus qu'un recueil de poèmes musicaux, c'est un documentaire sonore au cœur du blues ancestral qu'il nous propose aujourd'hui. Lorsqu'il fit paraître, il y a 15 ans, son premier album « Blues is my Wailin Wall » (Le blues est mon mur des lamentations), ce brillant orateur imprimait déjà cette tonalité rebelle qui allait épouser ses mots et ses notes au fil des mois et des années. En 2015, le message est encore plus réfléchi et le propos plus mûr. À 72 ans, celui qu'on appelle désormais « Le philosophe du blues » entend donner du sens à chacune de ses créations.
Pour Mighty Mo Rodgers, connaître l'histoire, c'est accepter son identité et la revendiquer. Être instruit est une chance et un moyen de se défendre face à l'arrogance et à la suffisance des oppresseurs. Nelson Mandela l'avait prouvé, Martin Luther King l'avait prouvé, et ces exemples animent l'esprit frondeur du bluesman qui a étudié, appris, et amélioré ses connaissances historiques et culturelles pour pouvoir contrer les affirmations de ses interlocuteurs, parfois adversaires, et rétablir la vérité sur les horreurs de l'esclavage, les heures sombres de la ségrégation raciale, mais aussi les efforts de certains hommes politiques pour changer la donne.
En 1939, Billie Holiday interprétait sur scène dans un club de New York, le Café Society, une œuvre devenue célèbre, « Strange Fruit », un « fruit étrange » qui n'était autre que les corps calcinés de noirs pendus hauts et courts dans les campagnes du sud des États-Unis. D'une certaine manière, l'album de Mighty Mo Rodgers est un écho vibrant à cette mélodie et à ce texte tragique immortalisés 70 ans plus tôt. Ces cicatrices du passé continuent de tourmenter l'Amérique d'aujourd'hui, et notre grand témoin ne le supporte plus ! Il lui fallait exprimer son désarroi et sa colère à travers un médium universel, la musique, compréhensible à l'échelle planétaire.