
Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXe siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.
Réalisation : Nathalie Laporte
Retrouvez la playlist de l'Épopée des musiques noires sur Deezer
Le samedi vers toutes cibles à 14h30, vers Afrique haoussa à 21h30
Le dimanche vers Afrique lusophone à 17h30, vers Prague à 18h30, vers toutes cibles à 22h30. (heures de Paris)
Ronny Jordan
Quand Ronny Jordan voit le jour le 29 septembre 1962 à Londres, le Royaume-Uni vit au rythme du British Blues Boom, un mouvement musical initié par des artistes britanniques qui se passionnent pour l'héritage sonore des Noirs d'Amérique. Né de parents jamaïcains, Ronny Jordan n'aura aucune difficulté à s'identifier aux héros de la musique populaire américaine qu'il entend tous les jours dans la maison familiale. Bercé par les disques de Wes Montgomery ou George Benson, il doit son goût pour la guitare à son propre père, pasteur dans les églises noires de Londres et, à ses heures, honorable interprète des répertoires blues et jazz à la six cordes.
En 1971, alors que George Benson s'attaque à sa façon à une pièce maîtresse de « L'épopée des Musiques Noires », le titre «So What» de Miles Davis, Ronny Jordan n'a que neuf ans, mais il est déjà fasciné par cette adaptation audacieuse de son aîné car, en accélérant le tempo de cette monumentale composition, George Benson s'autorise à toucher au sacré. Jusqu'alors personne n'avait eu le cran de modifier le rythme ou la texture sonore de ce classique ultime. En osant braver l'interdit, le célèbre guitariste impose un nouveau genre et ouvre la voie à toutes les expérimentations possibles dans l'avenir. Ronny Jordan tirera les leçons de cette étonnante relecture en proposant, 20 ans plus tard, sa propre version dite «Acid Jazz».
L'apparition, au cœur des années 90, de nouvelles appellations comme « New Jack Swing » ou « Acid Jazz » pour définir une approche plus commerciale d'une musique centenaire finira par agacer les vétérans, dont les œuvres seront souvent détournées ou copieusement échantillonnées. Ronny Jordan, voyant le vent tourner, préféra prendre ses distances de ce courant musical imparfait et préfabriqué jusqu'à refuser le terme « Acid Jazz ». Il eut même un temps quelques scrupules à s'inscrire dans la tradition du jazz ancestral. On pourrait presque se demander si ce guitariste de grand talent ne fut pas totalement dépassé par le succès de son premier album «The Antidote» paru en 1992, beaucoup plus pop, et si éloigné de sa véritable nature de jazzman. Le terme « Acid Jazz » n'a-t-il pas égratigné l'image du virtuose qu'il était réellement et qu'il tentait d'imposer malgré les revers et les jugements hâtifs ?
En l'espace de 20 ans, Ronny Jordan a connu tous les honneurs, il a été célébré dans le monde entier, il fut courtisé et signé par le label Blue Note, a été nominé au fameux Grammy Awards américains pour son album « A Brighter Day », et fut même approché par le rappeur Guru pour son projet « Jazzmatazz » qui faisait le lien entre la culture hip-hop et la culture jazz, mais toutes ces expériences ne l'ont jamais grisé au point de perdre son humilité et le sens qu'il voulait donner à son épopée.
Ronny Jordan nous a quittés, il y a un an, le 13 janvier 2014, à l'âge de 51 ans. Lors de la discussion que nous avions eue avec lui, quelques mois plus tôt, nous avions perçu dans ses propos une forme d'aigreur. Lui, qui avait été salué dans les années 90 comme l'un des piliers d'un nouveau style de jazz moderne, avait progressivement été oublié par ceux même qui l'avaient encensé 20 ans plus tôt. Rendons hommage à cet artiste modeste, dont le vœu le plus cher était de retrouver les faveurs du public sans, pour autant, cacher son amertume et ses désillusions...
http://www.ronnyjordan.com/