Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXème siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.

Réalisation : Nathalie Laporte
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Paul Robeson

Paul Robeson. © BBC

Grande figure du combat des Noirs aux États-Unis, Paul Robeson naquit en 1898 à Princeton dans le New Jersey. Tout au long de sa vie, il se battra pour l'égalité des droits de tous les citoyens américains. Chanteur, acteur, comédien, avocat, athlète, écrivain, il était un homme de culture qui utilisait son savoir et sa force de persuasion pour dénoncer toute forme d'oppression. Sa notoriété indiscutable au milieu du XXème siècle lui valut de nombreux déboires avec les autorités blanches qui voyaient plutôt d'un mauvais œil le franc-parler de cet artiste insoumis.

© Library of Congress
Rosa Parks (1955).

Pour bien comprendre le contexte dans lequel évoluait Paul Robeson, il faut se souvenir qu'avant 1960, Martin Luther King n'était pas encore un leader important du mouvement des droits civiques, et que seule Rosa Parks apparaissait comme une militante courageuse, après avoir refusé de laisser sa place à un Blanc dans un bus de Montgomery en Alabama. En d'autres mots, la fronde raciale des Noirs d'Amérique ne faisait que débuter, et Paul Robeson peinait encore à faire entendre son discours progressiste.

Lorsque Paul Robeson chantait « Ol Man River » en 1936, son interprétation n'était pas anodine. Il savait qu'il portait le message du peuple noir, mais ne pouvait pas encore, à l'époque, contester l'ordre établi. Il regrettait d'ailleurs que la communauté afro-américaine n'ait pas agi plus tôt pour sa reconnaissance sociale. Par ses prises de positions tranchées, Paul Robeson devint la bête noire de l'administration américaine. Ses nombreux voyages en URSS, où il était une célébrité reconnue, l'identifiait comme un partisan de l'idéologie communiste.

© Robeson Estate
Paul Robeson célébré à Moscou en 1958.

Son goût pour les langues étrangères et ses prestations au-delà des frontières américaines irritaient le conservatisme blanc du pouvoir en place qui finit par lui confisquer son passeport pour le garder à vue. Cette décision autoritaire ne l'empêcha pourtant pas de s'exprimer, et d'évoquer son attachement à sa terre natale, et son désir de voyager. Il dut cependant répondre à de nombreuses interrogations. Son ouverture à l'Est vers le géant communiste ne cautionnait-elle pas les exactions d'une Union Soviétique alors perçue comme une dictature ? Grâce à sa verve légendaire et à son immense culture, Paul Robeson sut très habilement renvoyer ses interlocuteurs à leurs propres contradictions.

En 2006, à l'occasion du 30ème anniversaire de sa disparition, le bluesman Éric Bibb avait convié son père, Leon Bibb, à le rejoindre en studio pour saluer la mémoire de leur héros. Leon Bibb avait été un ami très cher de Paul Robeson et Éric Bibb était devenu son filleul. En faisant paraître « Praising peace » Leon et Éric Bibb voulaient honorer le combat incessant d'un homme qui resta fidèle à ses convictions malgré les revers et les intimidations.

Le 23 janvier 1976, Paul Robeson disparaissait à l'âge de 77 ans. À ses funérailles, le célèbre Harry Belafonte, autre activiste de renom, manifesta son plus grand respect pour l'homme et le militant. Bien qu'il mourut dans le dénuement le plus total, son aura continue de susciter l'engagement de ses héritiers. Éric Bibb a aujourd'hui conscience du devoir d'être intègre, honnête et inflexible, et d'appeler à une paix universelle, comme le fit son illustre aïeul au cœur de la tourmente.

© CBS
Paul Robeson.