
Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXème siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.
Réalisation : Nathalie Laporte
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Hommage à Prince...
Auteur, compositeur, interprète, multi-instrumentiste, arrangeur, chef d'orchestre, découvreur de talents, producteur, fabuleux guitariste, acteur, danseur, provocateur, artiste exigeant, mystérieux, sulfureux... Impossible de définir en un mot la personnalité de Prince Rogers Nelson, véritable génie du funk, du jazz, de la soul, du gospel, du blues, des musiques noires, et plus encore ! Disparu brutalement le 21 avril 2016 à l'âge de 57 ans, Prince restera ce flamboyant personnage dont les frasques, les déclarations et les caprices furent autant le reflet d'une mégalomanie galopante que d'une stratégie assumée. Il fut certainement le plus grand perturbateur de la planète pop et manipulateur de la sphère médiatique.
Au cœur des années 70, Prince est un adolescent déjà bien déterminé à faire parler de lui. A l'âge de 19 ans, il tente de séduire les décideurs du label Warner en leur suggérant une humeur musicale, certes, très inspirée de l'ère du temps, mais déjà très originale, même singulière... L'attitude intransigeante du jeune homme étonne et fascine ses interlocuteurs qui font le pari de laisser s'exprimer ce curieux petit bonhomme fort aventureux. En 1978, sort un premier album entièrement réalisé par un gamin d'à peine 20 ans. Seul hic, pour épater la galerie, Prince a explosé le budget alloué par sa maison de disques. «For you» coûtera le triple d'une production standard de l'époque ! Devant tant d'aplomb, les trésoriers de Warner Records finissent pas prendre conscience du potentiel artistique et commercial du petit prodige. Dès 1980, leur nouvelle recrue entre dans les hit-parades.
En l'espace de 4 ans, Prince passe du statut de musicien obscur à celui d'étoile filante. Lorsque paraît son déjà 5ème album en 1982, il brille tel un soleil ardent sur le paysage musical des années à venir. Si «1999» est le premier véritable joyau de la couronne princière, la bande son du film «Purple Rain» l'installe au firmament des icônes planétaires. Au-delà de la langoureuse mélodie qui, par ailleurs, met en relief les talents guitaristiques de son altesse, l'album «Purple Rain» tout entier est un condensé de trouvailles sonores et d'énergie groove qui catapulte instantanément la jeune star au sommet de l'expression artistique afro-américaine. Prince joue dans la cour des grands, et entend y rester le temps d'imprimer son grain de folie dans l'humeur aseptisée d'une décennie où tout est profit.
Évidemment, les premiers assauts aigris des puristes de l'art funk tentent de freiner l'ascension vertigineuse de l'ennemi public N°1, en rappelant insidieusement que cette musique-là est née de l'agitation effrénée des James Brown, Sly Stone ou Curtis Mayfield. Mais, s'il est vrai que les racines noires sont évidentes, l'œuvre de Prince dépasse largement la simple relecture d'un patrimoine ancestral. C'est toute la construction mélodique, rythmique et harmonique qui est ici bousculée par l'esprit vif de ce compositeur majestueux. Il est d'ailleurs amusant de constater l'influence de Prince sur des instrumentistes de sensibilité très différente.
Les années passent, et ses excès ou égarements inhérents à sa position de créateur universel ont quelque peu égratigné sa clairvoyance. Au début des années 90, le magicien peine à conserver cette lucidité qui fit sa légende. Persuadé d'être l'esclave d'un système économique oppressant, il déclare la guerre au label Warner, il interdit l'utilisation de son nom à des fins mercantiles, et entre dans un mysticisme déroutant. Il se réfugie dans sa bulle comme pour échapper aux réalités d'un monde discographique qu'il exècre. Durant toutes ces années de purgatoire, Prince va cultiver cette distance mégalomaniaque. Cependant, s'il peut être un personnage mystérieux, sa générosité envers des aînés en perdition est notable. La chanteuse de Gospel, Mavis Staples, par exemple, lui doit une fière chandelle. Sans le coup de pouce décisif du seigneur en 1993, elle n'aurait peut-être pas retrouvé les faveurs du public.
En 2004, Prince sort de sa torpeur, donne un cours magistral de «Musicology», retrouve enfin son patronyme, et fait un joli pied de nez à tous ses détracteurs qui annonçaient naïvement la fin d'un mythe. Raté ! Son Excellence reprend son bâton de pèlerin, et les commentaires élogieux rejaillissent comme au bon vieux temps. Prince aura profondément marqué et révolutionné l'industrie du disque, le sens du spectacle et le marketing musical. Sa dernière idée, un piano et un microphone, devait magnifier les grandes salles académiques de la planète. Une aventure avortée, mais le signe d'une volonté farouche de se mettre constamment en danger pour ne pas laisser le temps le rattraper... trop vite !
http://prince.warnerartists.net/eu/