
Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXe siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.
Réalisation : Nathalie Laporte
Retrouvez la playlist de l'Épopée des musiques noires sur Deezer
Le samedi vers toutes cibles à 14h30, vers Afrique haoussa à 21h30
Le dimanche vers Afrique lusophone à 17h30, vers Prague à 18h30, vers toutes cibles à 22h30. (heures de Paris)
Ces chers disparus (1 sur 4) : Billy Paul
Tout le mois d’août, L’épopée des Musiques Noires propose une collection d’émissions consacrées aux grandes figures disparues en 2016. Le 24 avril, le chanteur afro-américain Billy Paul nous quittait à l’âge de 81 ans. Sa disparition fut totalement éclipsée par celle de Prince, trois jours plus tôt. Billy Paul était pourtant une figure éminente de L’épopée des Musiques Noires. Né le 1er décembre 1934, il fut longtemps le symbole du Philly Sound, le son de Philadelphie, sa ville d’origine. C’est là qu’il débuta sa carrière en devenant d’abord un chanteur de jazz. Ses modèles s’appelaient alors Nat King Cole ou Johnny Mathis...
Mais bien que son oreille fut bercée par les voix swing de Sarah Vaughan, Ella Fitzgerald, Dinah Washington ou Nina Simone, c’est dans l’univers de la soul music que Billy Paul va progressivement se faire remarquer.
Soutenu par deux producteurs avisés, Kenny Gamble et Leon Huff, il se lance à corps perdu dans cette nouvelle aventure musicale qui fera momentanément sa gloire. En 1972, le titre Me et Mrs Jones, extrait de l’album 360 degrees of Billy Paul, reste N°1 des ventes pendant trois semaines consécutives. Billy Paul n’en attendait pas tant et fut réellement surpris par ce succès improbable.
Il devra d’ailleurs se contenter de cet unique exploit puisqu’en dehors de ce classique ultime, le répertoire de Billy Paul restera souvent confidentiel et foncièrement mésestimé.
L’erreur commerciale majeure du label Philadelphia International Records fut d’imaginer que la voix suave de Billy Paul pouvait également exprimer des opinions politiques à une époque où l’enjeu racial était toujours très vivace. En faisant paraître Am I black enough for you ?, Billy Paul tente de faire entendre son engagement citoyen. Malheureusement, le public d’alors reste hermétique aux accents militants d’un jeune chanteur Soul que l’on souhaite inoffensif et lisse.
Cette bévue de l’industrie discographique aura de fâcheuses répercussions sur la destinée de Billy Paul. Contraint d’adopter une attitude consensuelle et un discours modéré, il ne revivra jamais la frénésie des années 70. Ainsi, pendant des décennies, c’est l’image du crooner qui identifiera Billy Paul. Malgré ses efforts pour montrer son vrai visage et révéler les aspérités d’une œuvre qu’il jugeait lui-même trop mièvre, Billy Paul finit par accepter son sort et devint l’interprète soyeux d’une chanson immensément populaire mais tellement convenue.
L’annonce de sa mort au printemps 2016 réveilla subitement, mais peut-être tardivement, l’intérêt des vrais amateurs de soul music pour un artiste mal considéré qui, en son temps, avait essayé de faire bouger les lignes, de mobiliser les consciences, et de changer la société en citant nommément dans certaines de ses compositions les grands orateurs d’antan : Martin Luther King, Malcolm X, John Fitzgerald Kennedy, Medgar Evers... Gageons que les hommages qui lui seront désormais rendus n’omettront pas de souligner la générosité de cœur d’un personnage beaucoup plus courageux qu’il ne le laissait paraître.