Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXème siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.

Réalisation : Nathalie Laporte
Retrouvez la playlist de l'Épopée des musiques noires sur Deezer

 

En savoir plus sur l'émission, les horaires, le calendrier ... En savoir plus sur l'émission

Martha Reeves, icône de la Motown !

Martha Reeves assiste à une projection spéciale de "Sparkle" au Théâtre Emagine Royal Oak, le 5 août 2012, dans le Michigan. à © Monica Morgan/Getty images/WireImage

En 2021, la chanteuse Martha Reeves fêtera son 80e anniversaire ! Icône du label Motown Records, la célèbre interprète de Dancing in the streets, Nowhere to Run ou Love is like a heatwave, n’a rien perdu de sa verve légendaire. Vaillante et déterminée, elle continue inlassablement à défendre son épopée et celle de ses comparses, dont les Vandellas, qui lui apportèrent tant de succès durant les années 1960. Martha Reeves ne veut cependant pas que l’on oublie les autres formations féminines de l’âge d’or de la Soul-Music, les Marvelettes et les Supremes.

Lorsqu’elle voit le jour le 18 juillet 1941 à Eufaula en Alabama, Martha Rose Reeves est déjà dans un environnement musical. Le rôle de l’église dans le quotidien des familles afro-américaines est majeur à cette époque. Le gospel côtoie le blues, les répertoires sacrés et profanes sont alors les sources de la culture noire américaine. C’est dans cet univers sonore que la petite Martha grandit et se nourrit de toutes ces mélodies entendues à la maison. Lorsque Joshua et Ruby, les parents de Martha Reeves, décident de quitter l’Alabama pour Detroit dans le Michigan, au nord des États-Unis, leurs vies changent. La ségrégation est moins féroce que dans le sud et les opportunités de travail sont plus nombreuses. Ils n’imaginent sûrement pas que ce déménagement transformera aussi la destinée d’une de leurs filles. C’est, en effet, à Detroit que Martha Reeves se produira sur scène pour la première fois, et c’est aussi à Detroit qu’un certain Berry Gordy installera les équipes de son futur label, Tamla Motown. Cette conjonction d’évènements conduira la jeune Martha, 20 ans, à devenir l’un des piliers de cette jeune firme discographique.

© Michael Ochs Archives/Getty Images
Martha and the Vandellas.

 

En 1963, Martha Reeves enregistre ses premiers 45-tours. Elle devient vite l’une des valeurs sûres du label et participe avec les Vandellas aux concerts et festivals organisés par Motown. Nous sommes au cœur du bouillonnement de la communauté noire américaine et le climat social tendu menace la tranquillité d’une ville comme Detroit et le bien-être de ses habitants. La défiance palpable entre Blancs et Noirs atteint son paroxysme à l’été 1967. Martha Reeves a 26 ans et devient, malgré elle, une jeune effrontée qui refuse l’injustice et s’implique, chaque jour davantage, dans le mouvement des droits civiques. Quelles que furent les convictions de Berry Gordy, le patron de Motown, bien décidé à toucher le public américain blanc à coups de bluettes inoffensives, la Soul-Music a définitivement accompagné la rébellion d’une frange de la population américaine et imprimé la bande-son d’une génération dans notre inconscient collectif. Pour autant, Martha Reeves ne veut pas réduire Motown à l’expression d’une identité africaine-américaine. Observatrice privilégiée d’une époque dont les dérives les plus nocives continuent d’agiter la société américaine, Martha Reeves est aussi la mémoire d’un label qui transformait "L’épopée des Musiques Noires" sous l’œil avisé de son chef d’orchestre, Berry Gordy, capable de toutes les audaces pour attirer les jeunes consommateurs à ses productions discographiques.

© Bruce Glikas/FilmMagic/Getty images
Le producteur Berry Gordy, Martha Reeves et Stevie Wonder assistent à "Motown: The Musical", le 5 avril 2013, à New York

 

Il est évident que la voix de Martha Reeves est enracinée dans l’âme noire. Le gospel et la Soul-Music jaillissent spontanément dans le répertoire des Vandellas. Elle reste cependant convaincue que le patrimoine estampillé Motown ne s’adresse pas exclusivement aux auditeurs afro-américains. Il s’agit d’un héritage universel porté par une foule d’interprètes devenus des icônes : Smokey Robinson, Stevie Wonder, les Four Tops, les Contours, les Temptations, les Jackson 5, les Marvelettes et les Supremes, etc. Alors que l’on apprenait la disparition, le 8 février 2021, de Mary Wilson, l’une des célèbres "Supremes" et grande voix de Motown, Martha Reeves, fort émue, évoquait l’esprit de camaraderie qui la rapprochait de sa sœur de cœur. 

"Il se trouve que j’étais plus proche de Mary Wilson que de Diana Ross. Mary faisait salle comble à chacune de ses apparitions. Ensemble, nous faisions un tabac lorsque nous donnions des concerts toutes les deux. Nous devions reprendre la route en juillet dans le Texas mais, outre le fait que cet État a subi des dommages importants liés aux conditions climatiques extrêmes de l’hiver, la pandémie de Covid-19 avait déjà réduit nos espoirs à néant. Tout cela est très dommage car nous devions nous produire le 4 juillet, le jour de l’indépendance américaine. Je lui avais écrit une lettre, comme elle le faisait souvent en retour, et je lui disais de ne pas trop s’apitoyer, que nous finirions par trouver une solution, que nous retrouverions bientôt nos musiciens et choristes. Elle m’a répondu le 22 janvier dernier et m’a dit : "Tu as raison, soyons positives, et travaillons sur ce projet !". Le dernier mot de sa lettre était : "Touch" (Restons en contact). Si vous aviez connu Mary Wilson, vous auriez su que cette petite phrase avait une signification bien plus chaleureuse. Pour elle, "restons en contact" voulait dire : "Je suis touché par ta proposition". Ce sont, en tout cas, les derniers mots qu’elle m’a adressés. L’annonce de sa mort a été un véritable choc pour moi !".

 

© Jean-Paul Aussenard/WireImage/Getty images
Martha Reeves & The Vandellas, à Los Angeles (Etats-Unis).

Martha Reeves, la voix principale des Vandellas, a traversé les décennies avec cette fougue qui la hisse au rang des icônes de Motown. Bien que son ton puisse paraître péremptoire et intimidant, elle est souvent juste dans ses appréciations. Son témoignage est donc précieux pour comprendre notre époque et en tirer les enseignements. 

 → Le site de Martha Reeves