
Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXème siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.
Réalisation : Nathalie Laporte
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Duffy Jackson, une vie cadencée
Le nom "Jackson" évoque instantanément Michael et ses frères… Il y eut cependant d’autres Jackson célèbres dans L’Épopée des musiques noires. Duffy Jackson, par exemple, fut un instrumentiste de grande valeur que l’histoire du jazz a pourtant quelque peu mésestimé. Il était batteur et a brillé au sein de grandes formations, notamment celle du pianiste Count Basie. Duffy Jackson nous a quittés, le 3 mars 2021, à l’âge de 67 ans.
En juin 1982 à Tokyo, le grand orchestre de Lionel Hampton enregistre l’album Made in Japan. Duffy Jackson est à la batterie et insuffle un groove imparable au répertoire de ce big band scintillant. Cette prestation fera sa renommée. De Sammy Davis Jr à George Benson, Duffy Jackson n’a cessé d’apporter sa bonne humeur et son tempo irrésistible aux œuvres de ses contemporains. Comme son père, le regretté contrebassiste Chubby Jackson, il fut pendant des décennies un pilier du swing et un fervent défenseur de cette forme d’expression centenaire. Duffy Jackson a grandi au milieu des étoiles du jazz. Il côtoyait, tout gamin, les Louis Armstrong, Ben Webster, Woody Herman ou Charlie Barnett, autant de célébrités qui ont écrit de grands chapitres de l’histoire culturelle africaine-américaine.
L’orchestre de Chubby Jackson, le papa, assurait l’animation des grandes soirées dans les dancings de New York, à l’aube des années 50. Duffy Jackson était donc à bonne école et a repris le flambeau pour que la flamme ne vacille pas. Comme son père, il voulait faire guincher les foules sans jamais trahir l’esprit de ses aînés. Son seul but était de maintenir ce rythme ancestral, sans fioritures, ni artifices. Il ne prétendait pas être un virtuose, il était un instrumentiste au service d’une tradition. Sa vie fut une succession de rencontres plus prestigieuses les unes que les autres. Duffy Jackson n’avait pas d’œillères. Tant que la pulsation rythmique de la batterie le portait, il répondait présent. S’il pouvait être très démonstratif sur scène, il redevenait un homme simple dans les coulisses dont l’humilité surprenait son entourage.
Entre 1957 et 2020, Duffy Jackson aura joué avec des personnalités aussi diverses que Monty Alexander, Harry Allen, Al Jarreau, Duke Ellington, Harry Connick Jr, Michèle Hendricks et tant d’autres… Il aurait pu aisément fanfaronner et se vanter de telles collaborations. Mais non ! Ce qui l’animait, c’était le simple plaisir d’être entouré de ses propres musiciens et d’avoir son père à ses côtés. Cela suffisait à son bonheur. Cependant, derrière son large sourire, il y avait cette secrète envie de relever des défis plus ambitieux. Il voulait être un homme-orchestre, polyvalent, multidisciplinaire. Il aura maintenu, à bout de bras, le swing insufflé par son père disparu en 2003. Sa vie cadencée contrastait pourtant avec sa sincère modestie. Il aimait répéter : "Soyez prudents lorsque vous faites un vœu, il pourrait se réaliser ! Et ce vœu-là n’est pas forcément celui auquel vous aspirez. Si ma vie devait s’arrêter demain, je peux me féliciter d’avoir croisé la route des plus grandes figures du jazz. Merci de l’intérêt que vous avez porté à ma carrière et à celle de mon père depuis tant d’années. S’il vous plaît, ne nous oubliez pas. Je suis sur scène tous les soirs pour le plaisir des peuples du monde entier."